Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • Savoir dif­fé­ren­cier les types de tirets
  • Les employer cor­rec­te­ment dans vos textes

Le tiret est un aga­çant petit signe de ponc­tua­tion, fuyant tel une sar­dine dans une moufle. Apprenez ses variantes, quand et com­ment l’utiliser.

Petite paren­thèse : je n’ai pas été malin.

Non, je n’ai pas été malin le 26 avril 2011, lorsque j’ai créé ce blog et son pre­mier article. A l’é­poque, on conseillait de far­cir chaque zone de la page avec les mots-clés. Je vou­lais par­ler d’é­cri­ture, mais d’é­cri­ture de livres, j’ai donc choisi comme nom de domaine ecri­ture-livres. Et comme à la rédac­tion, pour les vrais gens véri­tables, c’é­tait plu­tôt laid, j’ai pris l’ha­bi­tude de cette gra­phie, Écriture (tiret) Livres. Ensuite, j’ai com­pris à quel point il était dif­fi­cile d’é­pe­ler ce nom à l’o­ral, et encore plus déli­cat de le retrans­crire dans une barre de recherche.

Enfin voilà, ce qui est fait est fait, sic tran­sit glo­ria mundi, habe­mus papam et toutes ces sortes de choses.

Fin de la paren­thèse, ran­gez les fouets.

Le tiret… Le tiret, le trait d’u­nion, le cadra­tin, voilà toute une famille bien sou­dée, dont chaque membre a son petit carac­tère. Une famille que l’on a bien du mal à com­prendre de l’ex­té­rieur, par­fois ; ceci alors que, comme tous les signes typo­gra­phiques, les tirets ont une valeur séman­tique. Ou, pour le dire autre­ment, il y a une bonne façon d’u­ti­li­ser les tirets, et ce n’est pas (seule­ment) pour emm… le monde.

Alors, dans l’u­ni­vers du tiret, qui fait quoi ?

Les tirets en typographie

Avant de les sou­pe­ser et de com­pa­rer leurs mérites, com­men­çons par par­ler de la même chose… Les prin­ci­paux types de tiret que vous aurez à employer en tant qu’au­teur sont les suivants :

SymboleNomAutres appel­la­tionsCode en UnicodeCombinaison cla­vier PCCombinaison cla­vier Mac
-trait d’u­niontiret du 6002D(PAV NUM -)
ou (BARRE NUM 6 minuscule)
(PAV NUM -)
ou (BARRE NUM 6)
tiret demi-cadra­tin2013(ALT) puis (0) (1) (5) (0)(CMD)+(PAV NUM -)
tiret cadra­tin2014(ALT) puis (0) (1) (5) (1)(CMD)+(OPT)+(PAV NUM -)
_tiret basunders­core005F(BARRE NUM 8 minuscule)(BARRE NUM 8)

Je pré­cise tout de même que cette répar­ti­tion n’est pas fiable à 100 %. Il m’a fallu arbi­trer selon les sources. Pour ma propre pra­tique, dans mes mis­sions de cor­rec­tion, je m’ap­puie sur le Code typo­gra­phique de l’im­pri­me­rie natio­nale. Or, les infor­ma­tions sur les tirets/traits d’u­nion sont assez som­maires, et dis­per­sées dans tout l’ou­vrage… Le Code ne se mouille pas, pré­fé­rant par­ler très géné­ri­que­ment de « moins » pour évo­quer tous ces signes.

Autre pré­ci­sion : je traite ici de typo­gra­phie et ponc­tua­tion fran­çaises. Les usages, mal­heu­reu­se­ment ren­for­cés par le maté­riel infor­ma­tique, tendent à adop­ter incons­ciem­ment les pra­tiques anglo-saxonnes. Or, même si ces pra­tiques semblent « cool » et super-effi­caces, elles sont adap­tées à une langue qui n’est pas tout à fait la nôtre. Pour vis­ser une vis à tête plate, le cru­ci­forme, ce n’est pas for­mi­dable. Pour écrire un fran­çais clair et effi­cace, pré­fé­rez les outils typo­gra­phiques du français.

La faute typo­gra­phique est là, qui guette dans l’ombre…

Les tirets : sens et usage

A pré­sent, inté­res­sons-nous au sens de ces dif­fé­rents signes. Et pour vous faci­li­ter la com­pré­hen­sion, je vais les abor­der du plus simple… au plus taquin.

Tiret bas

Ce signe apparu avec l’u­sage infor­ma­tique n’a pas d’u­ti­lité directe dans la rédac­tion de textes.

Souvent, il est le seul type de tiret accepté à la créa­tion d’un mot de passe. Il sert aussi à rem­pla­cer l’es­pace dans le dia­logue avec la machine : les noms de fichier longs, notam­ment, s’ils com­portent des espaces, peuvent déclen­cher des erreurs lors de l’ou­ver­ture du fichier. Dans ce contexte, les carac­tères « unders­core » rem­placent les espaces tout en pré­ser­vant la lisi­bi­lité du texte : ils sont invi­sibles si le texte (comme celui d’une URL) est inté­gra­le­ment souligné.

Trait d’union

Le trait d’u­nion est le tiret le plus cou­rant. C’est celui qui est écrit par défaut lorsque vous appuyez sur la touche (6) minus­cule de la barre numé­rique, ou sur la touche (-) du pavé numérique.

En bonne typo­gra­phie, c’est ce signe qui est employé :

  • comme « signe moins » dans la trans­crip­tion mathématique
  • comme trait d’u­nion dans les mots composés
  • comme trait de césure dans les mots cou­pés en fin de ligne

Mis à part le pre­mier cas, le trait d’u­nion est accolé sans espaces aux mots qu’il relie.

Je pré­cise aussi pour les plus avan­cés que le véri­table signe moins n’est pas celui-là. Il existe un autre carac­tère, Unicode 2212, spé­cia­le­ment espacé pour être uti­lisé dans les équa­tions et les infor­ma­tions en chiffres.

Tiret cadratin

Le cadra­tin (ou « em » pour les Anglo-Saxons) est la mesure d’es­pa­ce­ment de carac­tère. Il cor­res­pond en lar­geur à celle de deux signes « zéro » (et non pas du M majus­cule comme on le lit sou­vent). Le tiret cadra­tin a donc la lar­geur maxi­male, celle d’un carac­tère large.

Le tiret cadra­tin est prin­ci­pa­le­ment uti­lisé pour pré­sen­ter les dia­logues  ; de cette façon, il dis­tingue bien, visuel­le­ment, les dia­logues des énu­mé­ra­tions (intro­duites par des tirets demi-cadra­tins). Il est alors suivi d’une espace fine à chasse fixe, c’est à dire une espace étroite et dont la lar­geur reste fixe quelle que soit la ligne.

Je rap­pelle ici que les trai­te­ments de textes comme Word trans­forment auto­ma­ti­que­ment une ligne qui com­mence par un tiret en item de liste, lorsque l’on frappe l’a­li­néa. L’auteur inno­cent aura ten­dance à conti­nuer ici sa rédac­tion ; c’est une erreur : en termes de jus­ti­fi­ca­tion, une réplique de dia­logue se pré­sente comme un para­graphe nor­mal, et pas comme un item de liste. Il faut donc annu­ler la mise en forme auto­ma­tique de Word dès qu’elle survient.

Composition auto­ma­tique des listes dans Word (et flemme d’é­cri­vain) : en rouge, vous êtes bon pour le 9e cercle de l’en­fer. En vert, OK, vous pou­vez rester.

Un bon moyen pour empê­cher cela est de com­men­cer ses répliques de dia­logue par un carac­tère rare (par exemple « £ »). Ensuite, à la fin de la rédac­tion, rem­pla­cer tous les carac­tères « £ » par la chaîne « — » + « esp. insécable ».

Tiret demi-cadratin

De lon­gueur inter­mé­diaire entre le tiret et le tiret cadra­tin, celui-ci est employé dans deux cas principaux :

  • tiret d’é­nu­mé­ra­tion
  • enca­dre­ment d’un mot ou groupe de mots au sein d’un para­graphe (« tiret d’incise »)

Dans le pre­mier cas, l’es­pace qui suit le tiret est fixe, fine et insé­cable. Dans le deuxième cas, les espaces sui­vant le tiret ouvrant et pré­cé­dant le tiret fer­mant sont variables et insé­cables ; celles qui pré­cèdent et suivent l’in­cise sont des espaces variables.

D’un point de vue séman­tique, ce duo de tirets est censé maté­ria­li­ser une sorte d’a­parté dans la phrase. L’information four­nie n’est pas anec­do­tique (et ne réclame donc pas une paren­thèse), mais plu­tôt exté­rieure à l’in­for­ma­tion prin­ci­pale. Je sup­pose que cet usage vient de l’é­cri­ture de dia­logue et de l’u­sage des incises de type « dit-il, répon­dit-elle ». Les incises sont cen­sées être pla­cées entre vir­gules au fil de la réplique, mais si la réplique est déjà elle-même far­cie de vir­gules, l’in­cise devient invi­sible, et la lec­ture se fait confuse ; si l’on maté­ria­lise l’in­cise par deux tirets, sa valeur de « hors-texte » devient tout de suite plus évidente.

A la lec­ture, les tirets qui encadrent un groupe de mots se lisent comme le début et la fin d’une paren­thèse (courte pause avant et après, chan­ge­ment de ton). Tant et si bien que l’on se demande un peu l’u­ti­lité de cette ponc­tua­tion. D’autant que l’in­for­ma­tique ne sait pas com­ment s’en dépê­trer : à moins d’u­ti­li­ser des « tirets demi-cadra­tins insé­cables », la com­po­si­tion va régu­liè­re­ment lais­ser l’un de ces deux tirets se bala­der en début ou en fin de ligne…

Autre reproche que je fais à cet usage : la règle vou­drait que si le groupe de mots enca­drés ter­mine le para­graphe (ou s’il est suivi par un point-vir­gule ou double point), on ne com­pose que le pre­mier des deux tirets. Ce qui nous laisse, pour ainsi dire, typo­gra­phi­que­ment, avec une paren­thèse non refer­mée, un « d’une part » qui n’au­rait pas son « d’autre part »… Bref, le chaos.

Autre pro­blème : où ins­tal­ler le point si le groupe de mots mis en incise est la fin d’une phrase ? Dedans ? Mais le point vaut pour toute la phrase, pas pour le groupe mis en incise ; dehors ? Mais c’est visuel­le­ment très déplai­sant ; et une ques­tion simi­laire se pose pour la vir­gule en fin d’incise.

A l’u­sage, il res­sort que la tota­lité des incises peuvent être évi­tées de 3 manières :

  • mise entre parenthèses
  • enca­dre­ment par virgules
  • scis­sion et sim­pli­fi­ca­tion de la phrase

Bref, en ce qui me concerne, l’ »incise », avec ses pro­blé­ma­tiques tirets, est à ban­nir ; s’y accro­cher est sur­tout une affé­te­rie d’é­cri­ture, un effet de manche.

Les signes de ponc­tua­tion, les usages typo­gra­phiques ne sont jamais « gra­tuits ». Ils existent pour le confort, pour la com­pré­hen­sion du lec­teur ; pas pour prendre une pos­ture esthé­tique. L’ensemble de la typo­gra­phie est à peu près suf­fi­sant pour rendre expli­cites toutes vos idées. Si la ponc­tua­tion vous semble défaillante, c’est peut-être qu’il vous faut déca­ler un tout petit peu votre for­mu­la­tion…

De façon géné­rale, inter­ro­gez-vous sans cesse sur votre pra­tique, jusque dans de petites choses comme la typo­gra­phie et la ponc­tua­tion. Ne faites jamais rien, en matière d’é­cri­ture, « parce que ». Ne faites jamais rien pour la seule rai­son que d’autres le font, ou que « ça sonne mieux comme ça », et autres argu­ments flem­mards… La ponc­tua­tion est une méca­nique ; pla­cez votre créa­ti­vité ailleurs dans le pro­ces­sus. Et si vous n’êtes pas sûr de vous, res­tez-en à l’u­sage courant.


A pré­sent, mon ergo­tant inter­naute, je te sens bouillir… Tu veux sûre­ment objec­ter un mil­liard d’arguments ?

Go !

7 commentaire

  1. Et bien non, je suis d’accord avec tout le contenu de cet excellent article !
    Le seul bémol est que j’aime bien le tiret d’incise – il se fait aussi avec les touches « Ctrl » et « moins » – car il per­met d’insérer l’idée à mettre en avant sans uti­li­ser les paren­thèses qui pour moi ne vont pas bien dans une narration.
    Je ne savais pas qu’il fal­lait uti­li­ser le demi-cadra­tin pour cela, j’utilisais le signe moins.

    1. Merci pour ce retour !
      Le signe moins est indû­ment uti­lisé en typo­gra­phie, mais x minus­cule est tout aussi indû­ment employé pour le signe de mul­ti­pli­ca­tion… Un prêté pour un rendu 😉

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