Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • Quelques exemples de rituels pour vous mettre dans de bonnes condi­tions d’écriture

Nous savons à peu près com­ment écrire ; mais savons-nous com­ment mieux écrire ? Je veux dire, maté­riel­le­ment, dans les condi­tions concrètes de la séance de tra­vail… Voici les rituels qui me réussissent…

On m’é­crit « Il serait très inté­res­sant de lire un article sur la jour­née-type d’un écri­vain, ses manies, ses petites astuces d’écriture, etc. »

Bon. Je pour­rais en effet racon­ter ma jour­née, mais mon mode de vie n’est pas vrai­ment repré­sen­ta­tif. En réa­lité, je passe ma vie à écrire, du matin au soir, étant aussi rédac­teur pour toutes sortes de clients.

La plu­part d’entre vous, en revanche, vit le gros de ses jour­nées sans aucun rap­port avec l’é­cri­ture ; excepté le soir ou à la pause-déjeu­ner, lorsque vous arri­vez à blo­quer un peu de temps pour rédi­ger une scène ou quelques lignes…

En revanche, je peux volon­tiers vous par­ler de mes manies, car là, oui, sans doute, nous nous rejoi­gnons. J’ai cher­ché mes prin­ci­paux féti­chismes, j’ai essayé d’en retrou­ver que l’on m’a rap­por­tés ; cer­tains sont à la limite entre l’as­tuce et la super­sti­tion ; j’ai essayé de les ana­ly­ser un peu, de trou­ver leur sens véritable…

Bureau propre

En ce qui me concerne, j’ai un dis­po­si­tif avec deux écrans. Le prin­ci­pal, face à moi, et un autre plus petit à ma gauche.

A la fin de la jour­née de tra­vail, mes écrans sont en géné­ral sur­char­gés de fenêtres et de dos­siers ouverts, et la barre de menus encore plus. Comme je saute chaque soir, d’un bond vif et gra­cieux, de la pos­ture « écrire pour les autres » à la pos­ture « écrire pour moi », il me faut une forte cou­pure sym­bo­lique. Je ferme donc un maxi­mum de fenêtres, de logi­ciels, pour ne gar­der que ce qui me ser­vira pour la ses­sion d’écriture.

Quant à ma fenêtre Word, celle où je tra­vaille sur mon texte, il faut qu’elle soit par­fai­te­ment réglée : barre de navi­ga­tion sur la gauche, mode brouillon, et zoom suf­fi­sant pour pou­voir me relire sans efforts…

Annoncer que l’on va écrire

Dans une conver­sa­tion avec un proche, je m’ar­range pour glis­ser que ce soir, je vais écrire. C’est com­plè­te­ment à côté de la chou­croute, et la per­sonne en ques­tion va pro­ba­ble­ment oublier cette info pas­sion­nante dans la minute qui suit.

Mais ça y est, c’est fait, je l’ai dit. Je me suis engagé. Envers autrui, bien sûr, mais sur­tout envers moi-même. J’ai désor­mais une parole à tenir.

Et au moment cru­cial d’at­ta­quer la pre­mière ligne, ce moment où on hésite, très fort, entre tra­vailler à son texte ou aller voir des vidéos de chats mignons (ou de crashes de bagnoles, il en faut pour tous les goûts), ce mini-ser­ment que vous avez pro­noncé, plus tôt dans la jour­née, vous fera bas­cu­ler du bon côté de la Force…

Lumière minimum

Pour moi, l’é­cri­ture, c’est la nuit. A une période de ma vie, j’a­vais de longs dépla­ce­ments en train, et je res­tais sur mon lieu de tra­vail à la pause-déjeu­ner. J’emmenais avec moi un ordi­na­teur por­table (« por­table » pour ainsi dire ; à l’é­poque, ces machines pesaient comme un lin­got d’u­ra­nium). Et j’é­cri­vais, donc, en plein jour.

Et tout ce que j’écrivais en jour­née, je finis­sais par le reprendre lour­de­ment, le soir, ou par le jeter…

L’écriture, c’est la nuit. Le moment où les hon­nêtes gens rêvent du len­de­main. Le moment où le reste du monde, enfin, vous f… la paix. Ce moment où Saint-Exupéry se sen­tait tel­le­ment bien, calé dans sa car­lingue, les mains sur les manettes, et où il obser­vait fra­ter­nel­le­ment les rares lumières de la Terre, venues d’autres lieux où l’on aime, où l’on pense…

J’éteins donc un maxi­mum de lumières. En été, j’ouvre la fenêtre et je déguste le silence. Ce n’est qu’a­vec une ultime ampoule allu­mée que la magie de l’é­cri­ture peut, chez moi, se déclencher. 

Tout préparer à portée de main

Je suis une grosse fei­gnasse. Une fois en pleine séance, me rele­ver pour faire trois pas jus­qu’à la pièce d’à côté, c’est trop, et cela me sort de ma concentration.

Je suis donc obligé de me mon­trer stra­tège. J’élimine autant que pos­sible toutes les rai­sons de me rele­ver en cours de travail :

  • Thé ou café, ou fond de gnôle, à por­tée de main (pas vrai­ment pour le besoin de boire, mais pour le geste de por­ter le gobe­let à ses lèvres)
  • Niveau de vête­ments sup­por­table, qui n’o­blige pas à se chan­ger en cours de route.
  • Ordi bran­ché, si je tra­vaille sur le por­table et qu’il risque de se décharger
  • Pipi fait
  • Éclairage idéal (voir plus haut)
  • Si j’ai besoin de docu­men­ta­tion papier, la pile bien ins­tal­lée à côté de moi.
Un peu de car­bu­rant pour le cer­veau.
Et trié par cou­leur, si pos­sible.
D’avance.

Phrases rituelles

L’écriture de fic­tion, pour moi, est une céré­mo­nie. Et l’un des aspects les plus puis­sants de toute céré­mo­nie, c’est sa litur­gie de paroles. Parler, c’est opé­rer, c’est faire adve­nir la magie.

« Bon ! » « A‑looooors… » La séance com­mence donc par un mot, une inter­jec­tion, qui déclare au reste du monde que voilà, atten­tion, main­te­nant, ach­tung bicy­clette, Krieg gross mal­heur, on a fini de rigoler !

J’ai même connu quel­qu’un qui, avant chaque séance, se réci­tait comme une prière ces quelques vers des Fleurs du Mal :

Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte !
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe ?
Au fond de l'Inconnu pour trouver du nouveau !

Et toi, mon maniaque inter­naute ? Quels sont tes tics, tes TOC et tes tutti-quanti ?

12 commentaire

  1. Ah ben alors, puisque tu poses la ques­tion, moi c’est le contraire. J’écris toute la jour­née, mais le soir, je fais autre chose. En géné­ral je lis ou je regarde un film ou une série, rien de très extra­va­gant, sur­tout par ces temps trou­blés. Pis j’aime bien faire la pause, me dégour­dir les jambes régu­liè­re­ment. Je peux sans pro­blèmes m’ar­rê­ter au milieu d’un truc, me faire un café ou étendre une les­sive et y reve­nir. Je me dis que j’ai du bol. Pourvu que ça dure.

  2. Pascal MEZIER a dit :

    merci pour ce témoi­gnage ins­truc­tif… je me sens moins seul. Même si, je ne suis pas encore passé du bon côté de la Force. Pas tout à fait, j’ai pour­tant l’im­pres­sion de m’en rap­pro­cher de plus en plus. Il serait temps, j’ai 63 ans. C’est que, pour ma part, je me dis que je pour­rais (ma petite voix inté­rieure qui vous parle là) m’y mettre vrai­ment quand je n’au­rais plus rien à faire d’ex­tra­or­di­naire. Que le quo­ti­dien. Une autre voix (plus des pro­fon­deurs celle-là) me susurre aussi « tu cherches tou­jours des excuses », tu n’en fini­ras jamais de t’y mettre. Mais pour­tant c’est comme ça que je le sens. Voilà en guise d’a­vant l’écrivain !

  3. Je suis d’ac­cord pour l’é­cri­ture la nuit : il n’y a plus rien à faire à l’ex­té­rieur (même à par­tir de 18h actuel­le­ment !), plus de repas à pré­pa­rer, plus de sieste à faire… Par contre il faut pou­voir se lever de temps en temps pour faire cir­cu­ler le sang dans le corps et donc les idées dans la tête ? Pareil que toi, 2 écrans, un poru écrire et un autre sur Internet avec une page sur le Larousse, une autre sur le conju­gueur, une troi­sième sur le syno­nymes et d’autres prêtes à se connec­ter sur tout ce-qu’il-faut-pour-véri­fier-que-je ne-dis-pas-de-conneries.

    1. Haha ! Le dis­po­si­tif idéal serait plu­tôt de 5 écrans, n’est-ce pas ?
      Et oui, c’est vrai que les ten­ta­tions se font rares après 18h en ce moment. Je constate d’ailleurs dans ma pra­tique du conseil, depuis un an, que beau­coup de per­sonnes se mettent à écrire ou reviennent à de vieux pro­jets d’écriture…

  4. pascalest a dit :

    J’adore les manies d’écrivain.
    J’ai cru en avoir et elles se sont envo­lées. Je me suis ren­due compte que me lever, boire, faire pipi, éteindre ou remettre de la musique créent du dyna­misme dans mon récit aussi.…serais-je une hyper­ac­tive qui s’i­gnore ? Hahaha

    1. Ma foi… cer­tains ont besoin du benji, du par­kour ou de grim­per en haut de la tour Burdj en tongs.
      Pour d’autres per­sonnes, regar­der par la fenêtre avec un thé ber­ga­mote en main est le sum­mum du risque. Je crois qu’on se com­prend bien sur ce coup 😉

  5. Pierre a dit :

    Encore un article bien inté­res­sant. Et moti­vant, pour moi qui ai tel­le­ment de mal en ce moment à me blo­quer du temps pour écrire. Le grand pou­voir des rituels. Mais moi, mon moment, c’est très tôt le matin. Quand le jour naît, juste après les rêves. Merci Nico !

  6. zoe a dit :

    Pendant un moment,j’écrivais sur un ordi trop fai­blard pour sup­por­ter internet,mais quand j’a­vais besoin d’une info… Je suis donc sur un ordi por­table classique,mais je peux aussi écrire sur un car­net dans le bus ou n’im­porte où quand une idée me vient. Quand j’ai besoin d’une pause,je vais sur un autre texte, je fais une par­tie de soli­taire sur l’ordi je mange une pomme,ou je fais un tour de jardin.J’écris l’a­près midi,dans mon séjour où je peux éta­ler mes papiers.Pendant ce temps ‚la vie conti­nue autour de moi,la tv marche ou la radio,mais ça ne me gène pas sauf la poli­tique ! j’a­dore écrire !

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