Ce que vous allez apprendre dans cet article :
- Quelques erreurs d’écrivain, qui vous feront perdre du temps et de la motivation
Être auteur, avoir l’infinité des choix, du temps d’écriture qui s’ouvrent devant soi, c’est grisant… Ce sont aussi des conditions idéales pour se planter. Je vous raconte trois de mes âneries d’écrivain, que vous éviterez peut-être ainsi…
L’erreur est humaine gnagnagna.
Durant la vie d’un écrivain, chaque choix est important, et encore plus à ses débuts. Dans quel genre écrire, Faut-il montrer son texte, faut-il faire un plan, quel volume rédiger… ? Un mauvais choix n’est pas mortel, bien sûr, mais il vous fera perdre du temps, de l’énergie et, pire encore, de l’enthousiasme.
J’ai commis des erreurs, comme chacun ; dont trois plus grosses que les autres. Après chacune, je me suis payé une bonne séance d’auto-bottage de fesses.
Pensez à votre propre postérieur : ne reproduisez pas mes âneries.
Prendre un mauvais sujet
Le bon sujet, c’est celui que vous pourrez développer dans un volume de texte courant. Le mauvais sujet vous amènera à déborder, ou bien à délayer.
Le bon sujet permet d’identifier tous les rôles avec leur importance. Dans le mauvais, tous les personnages sont importants ; ou plus exactement, aucun ne l’est.
Le bon sujet permet de bien dérouler votre intrigue, voire de vous permettre une ou deux fausses pistes. Le mauvais sujet est géographiquement, chronologiquement difficile à délimiter. Il vous oblige à accumuler flashbacks, prologues et épilogues.
Le bon sujet est beau et a le torse huilé. Le mauvais sujet est tout poilu et porte un tatouage raté, représentant un poignard dans une enclume. À moins que ce soit un goéland.
Le bon sujet plongera vos personnages dans toutes sortes de situations et les poussera à des sentiments variés. Le mauvais sujet les cantonne dans une seule attitude, du début à la fin de l’histoire. Une attitude, de préférence, pensive et attentiste…
Vous l’avez compris, ma première, ma toute première erreur d’écrivain, et la plus lourde de frustration, a été d’attaquer un récit, un jour, sur des bases trop légères. Malgré tout l’art que j’ai pu ensuite y mettre pour développer l’histoire, surprendre, animer, elle n’a jamais « décollé ». Le point de départ était trop vague, top mou, trop bof.
Certains sujets contiennent en eux tout un roman. D’autres, plus modestes, ne sont utilisables que dans une nouvelle… Et pourquoi pas ? L’un des conseils récurrents que donnent les vieux briscards aux jeunes loups de la littérature, c’est de commencer petit. Un sujet trop léger pour un roman sera parfait pour une nouvelle ; si vous traitez toutes vos idées, au début, comme des pistes de nouvelles, vous aurez en toute logique moins de chances de vous louper. Sans oublier que les nouvelles vous permettent de vous « faire la main » avant de vous attaquer au roman…
S’obstiner
Aujourd’hui, je suis un vieux bonhomme chenu et tremblotant (je vous dis que j’ai un cheveu gris !). Je pense au passé avec un sourire indulgent. Et je me répète, comme on sermonne gentiment un gamin : « La ligne de moindre résistance, gamin… de moindre résistance… »
Sans vouloir tomber dans la sagesse Facebook (cette stupeur de l’esprit humain), me voilà bien obligé ici de pontifier un peu : lorsque le chemin est bloqué par un obstacle, essayez-en un autre. Il y a toujours un chemin.
Eh bien cette approche est spécialement valable dans la pratique de l’écriture. J’ai dit ailleurs tout le mal que je pensais des écrivains qui font des plans et des projets à n’en plus finir, sans savoir où ils en seront dans un an ou même dans les six mois qui viennent. À l’échelle de la phrase jusqu’à celle de la trilogie romanesque, écrire est affaire d’ajustages, de tâtonnements et de surprises ; pour les autres, et pour soi.
Imaginons que vous avez écrit un premier roman. Appelons-le votre « bébéscrit » (Si !)
Bébéscrit n’avance pas. Ou bien, Bébéscrit est achevé, mais personne n’en veut. Personne ne veut le lire ; même vous, vous ne le feuilletez plus que du bout des doigts. Et alors, vous savez quoi ? Changez de projet. L’abandon de Bébéscrit n’est pas puni par la Loi.
Vous avez sûrement eu des brouettes d’idées, tandis que vous vous épuisiez sur celui-là. Depuis des années que vous y travaillez, vous avez évolué. Ce texte que vous aviez envie d’écrire autrefois, il a toutes les chances de ne plus vous correspondre. Vos goûts, votre caractère, vos références ont changé. Vous avez tellement appris, en tant qu’auteur… Or, même en forçant bien, toutes ces connaissances ne peuvent pas servir dans Bébéscrit. Eh bien, pourquoi forcer ?
Pour ma part, j’ai passé des années sur mon Bébéscrit à moi. J’en ai compté 8 versions, et seulement à partir du moment où j’ai eu l’idée de compter. Avec toutes les pages que j’ai sabrées, il y aurait sans exagérer de quoi en écrire deux autres.
Et pendant ce temps-là, les auteurs de ma génération ouvraient et refermaient leurs projets au gré de leurs envies, essuyaient des refus, bien sûr, mais revenaient à la charge des éditeurs avec un autre texte, et encore un autre…
Et vous savez quoi ? Pendant qu’ils agissaient ainsi, les traîtres à leur texte, les parents indignes de leur Bébéscrit, ils apprenaient. Ils découvraient comment trousser un scénario, comment changer d’univers, de langage, comment jouer avec de nouveaux personnages… Tandis que je devenais le spécialiste de mon projet unique et inutile, ils apprenaient l’agilité d’esprit ; ils ne gaspillaient pas leur énergie.
Ne vous obstinez pas sur votre premier texte ou sur un quelconque « grand » projet. Plus aucun auteur, aujourd’hui, n’est l’homme ou la femme d’un seul livre. Soyez multiple, soyez comme le torrent : contournez le rocher, et laissez couler.
Gaspiller un contact
J’ai eu la chance, au fil de mon parcours, de rencontrer des personnes importantes et influentes du monde des lettres, des « contacts ».
Je leur ai demandé un peu d’aide, parfois. Certaines ont eu la courtoisie d’accepter. Et je sais, avec le recul, que j’ai souvent gâché cette chance.
On ne ne peut pas tout demander à un contact : sachez évaluer l’importance du service demandé, non pas pour vous, mais pour lui ! Avec la meilleure volonté du monde, votre contact magique ne pourra pas tout faire pour vous. Comme l’explique le personnage du roi dans Le petit prince : « Il faut exiger de chacun ce que chacun peut donner. »
Demandez à votre contact une aide qui soit dans ses cordes et, si possible qui l’enthousiasme. Comparez ces deux phrases : « Papa, j’aimerais un ‘bousteur’ à mille balles » / « Papa, j’aimerais une voiture à cent mille balles, mais tant pis, un bousteur fera l’affaire… »
On ne peut pas lui redemander. Sachez que si votre contact fait un geste pour vous, il n’en fera pas deux, surtout si sa première démarche n’a rien donné. Êtes-vous vraiment prêt à demander à un grand écrivain de pousser votre manuscrit ? Maintenant ? Dans l’état actuel du texte… ?
On ne peut pas compter sur un service. Ne mettez pas tous vos espoirs dans une promesse de coup de pouce, dans une lecture acceptée du bout des lèvres. Votre contact défendra toujours son bifteck avant de défendre le vôtre. S’il n’a pas assez de temps pour vous et pour lui, c’est votre demande à vous qu’il mettra de côté.
La seule personne vraiment indispensable à votre carrière d’écrivain, c’est vous ; toujours et encore vous ! Les autres, aussi influents soient-ils, ne sont que des personnages secondaires dans le parcours qui est le vôtre.
On ne peut pas demander n’importe comment. Comparez « Papa, j’aimerais un bousteur à mille balles » et « Papa, j’ai une tendinite du mollet, j’ai raté mon permis, les bus ne desservent pas notre patelin mais j’ai trôôô envie d’aller en cours. Comment je pourrais faire ? » La suprême élégance est d’amener les autres à vous proposer leur aide. Je dis cela sans aucun cynisme : nous sommes tous, chaque jour, placés en position de solliciteur et de sollicité. Quand c’est à vous de donner un coup de pouce, vous le ferez avec plus de plaisir si vous avez offert votre aide.
Exposez vos questions, vos espoirs. Ne vous faites pas plaindre : faites rêver. Laisser votre contact venir et proposer ; soyez comme la fourmi : taquinez ses antennes avec les vôtres.
Et si vous n’obtenez rien de lui, aurez-vous tout perdu ? Profitez de l’occasion pour apprendre, écouter, vous enrichir. Prenez ce que cette personne vous offre par sa présence. Les gens inoffensifs peuvent obtenir beaucoup ; les calculateurs n’ont que ce qu’ils ont demandé…
Conclusion
Et voilà, c’est confessé ! Trois grosses erreurs baveuses, qui m’ont coûté, autrefois, du temps et de l’espoir. Difficile à croire, n’est-ce pas, quand on voit le sémillant gardon que je suis à présent ?
Pensez‑y à l’heure des choix : ne vous embarquez pas dans une histoire impossible à raconter, osez faire marche arrière, et soyez patient avec vos contacts littéraires…
Cela dit… des erreurs potentielles, il en existe des millions. L’écrivain n’a que l’embarras du choix.
Et toi, alors, coruscant internaute ? T’es-tu déjà planté dans ton parcours d’auteur ? Raconte !
J’adore « Le bon sujet est beau et a le torse huilé. »
Ceci dit la nouvelle est aussi une fin en soi, pas seulement « pour se faire la main » 🙂
Oui, tu as raison de le souligner, je ne voudrais pas donner cette impression. La nouvelle est un genre fabuleux et qui se suffit à lui-même.
MERCI, Monssieur, pour ces excellents conseils — ô combien précieux !
(Même pour un auteur de non-fiction, qui par chance, n’en est plus à son premier ‘projet’.)
J’apprécie votre sincérité et votre simplicité. Surtout après avoir connu de l’intérieur les requins du monde de l’édition. Tous des requins, oui, si confits d’arrogance envers les scribouillards inexpérimentés.
Merci pour ce témoignage !