Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • La pos­ture de Balzac (pla­ni­fier son uni­vers jus­qu’à l’absurde)
  • La pos­ture de Giono (se « lais­ser écrire »)
  • Et vous ?

La méga­lo­ma­nie est sou­vent asso­ciée à la “gent écri­veuse”. Certes, l’auteur de livres est mégalo au sens cou­rant du terme. Les cou­loirs des mai­sons d’édition bruissent de ces récits homé­riques d’écrivains se pre­nant un peu trop au sérieux. Mais je vou­drais explo­rer avec vous plus pro­fon­dé­ment ce “dan­ger méga­lo­ma­niaque” qui guette l’artiste ; et plus pré­ci­sé­ment, la com­pul­sion pla­ni­fi­ca­trice (ou comme on le voit chez les écri­vains modernes, le besoin de créer un back­ground). Le besoin de tirer des plans sur la comète.

Balzac (ou comment créer un background quand on ne connaît pas le mot…)

1834. Honoré de Balzac a 35 ans. Il vient de mettre par écrit le pre­mier plan d’ensemble de ses œuvres pas­sées, pré­sentes et à venir : la « Comédie Humaine ». Ce que Dante a fait, il doit le faire aussi. Il écrit :

A la base de l’édifice : les Études de mœurs repré­sentent les effets sociaux. La seconde assise est les Études phi­lo­so­phiques, car, après les effets vien­dront les causes.

Etc. Les romans exis­tants sont ran­gés en sous-rubriques, ceux à venir pré­vus dans d’autres sous-rubriques.

Régulièrement, tout en écri­vant, Balzac va reprendre son immense pro­jet et le cham­bou­ler tota­le­ment. Il lais­sera des for­tunes en cor­rec­tions sur presse, au moment d’imprimer l’un ou l’autre volume de son grand pro­jet. Il se nour­rit, il est habité de ses plans, au point qu’il tra­verse un jour tout Paris pour aller racon­ter la “Comédie Humaine” à des amis. Arrivé chez eux, il s’annonce par ces mots : « Saluez-moi car je suis tout bon­ne­ment en train de deve­nir un génie. »

Giono (ou comment « se laisser écrire »)

1953. Jean Giono a 58 ans. Il raconte à Jean Amrouche ses dif­fi­cul­tés d’écriture. En effet, L’écrivain de Manosque a depuis tou­jours un mal fou à res­ter dans le livre qu’il est en train de rédi­ger. Tandis qu’il écrit, il « voit pas­ser des per­son­nages » [1] Des per­son­nages qui n’ont rien à voir avec son his­toire. Des per­son­nages avec leurs par­ti­cu­la­ri­tés, leurs rap­ports, leurs rêves… Et il sent une frus­tra­tion per­ma­nente à être coincé dans le texte qu’il écrit, alors qu’il y en à un autre, à écrire, qui le nargue.

Jusqu’à ce que son roman en cours soit achevé. Giono peut alors com­men­cer le sui­vant, celui qui lui trot­tait dans la tête. Il prend la plume, une feuille blanche, et là, dit-il, « Tout s’effondre, tout dis­pa­raît. » Et tout est à retrou­ver, labo­rieu­se­ment. Le roman qu’il rêvait est devenu la nou­velle corvée.

Admiration et opposition

Balzac, Giono. Deux écri­vains, dont le second fut d’abord grand admi­ra­teur du pre­mier. Un admi­ra­teur qui avait été jusqu’à pla­ni­fier, à 39 ans (soit presque au même âge que son modèle), sa propre “Comédie Humaine”.

Créer un background selon Balzac

Prison lit­té­raire.

Puis qui y renonça.

J’ai tou­jours vu, dans le rap­pro­che­ment de ces deux écri­vains, quelque chose de fas­ci­nant. Il y a, d’un côté, un auteur naïf, hyper­ac­tif, gra­pho­mane et moyen­ne­ment doué : Balzac. Sans arrêt, il ré-orchestre son œuvre. Et de l’autre, Jean Giono, qui perd beau­coup de temps en rêve­ries, en médi­ta­tions et en voyages inté­rieurs. D’un côté, un maré­chal d’empire ; de l’autre, un ermite souriant.

D’un côté, un homme qui voit la lit­té­ra­ture comme un moyen, qui tré­pigne d’impatience de se décla­rer “génie”. Un homme qui, à 35 ans, à l’orée de sa car­rière d’écrivain, engage son futur, sur la foi des envies de l’instant pré­cis. Et qui pousse la fidé­lité à soi-même, ou peut-être la bêtise, à les écrire, ces livres ! Un homme avec du talent, des idées, qui trans­forme sa vie en pri­son lit­té­raire. Un homme qui courra toute son exis­tence après le temps, qui s’épuisera à sa “Comédie Humaine”, qui y jet­tera des tom­be­reaux d’argent, le sien et celui des autres. Tout cela pour lais­ser à la pos­té­rité des splen­deurs comme :

Il l’atteignit si furieu­se­ment de son poi­gnard qu’il le manqua.

Il est onze heures, répéta le per­son­nage muet.

… et une prose à la teneur de coton hydro­phile, par exemple (je prends au hasard, c’est dans L’histoire des Treize) :

D’ailleurs, les hommes les plus forts sont natu­rel­le­ment les plus impres­sion­nés et consé­quem­ment les plus super­sti­tieux, si tou­te­fois on peut appe­ler super­sti­tion le pré­jugé du pre­mier mou­ve­ment, qui sans doute est l’aperçu du résul­tat dans les causes cachées à d’autres yeux, mais per­cep­tibles aux leurs.

De l’autre côté, vous avez Jean Giono, un homme qui sut prendre la vie avec une grande joie, qui écri­vit des bijoux de trou­vaille, d’invention, qui créa des per­son­nages ébou­rif­fants de vérité ; un arti­san du roma­nesque, un conteur, un homme qui se “lais­sait écrire”, comme on se “laisse vivre”. Jean Giono qui, au moment des Entretiens avec Jean Amrouche, n’est plus dupe de son ancien maître :

Il y a tout à l’heure qua­rante ans que je relis Balzac toutes les années. Et toutes les fois je me dis : « Oh mon Dieu, que c’est mal écrit ! Oh mon Dieu que ça ne signi­fie rien ! Oh mon Dieu que c’est mau­vais ! » Chaque fois. Alors que tout à l’heure, je te par­lais de cette pro­di­gieuse abon­dance de Victor Hugo au début de L’Homme qui rit, je te parle main­te­nant de l’abondance mes­quine de Balzac.

Vous-même

Vous vous deman­dez sans doute le rap­port avec votre propre pra­tique d’écrivain ? Le voici.

En plus de balan­cer quelques coups de pied de l’âne à Balzac, ce qui me fait tou­jours un bien fou, je me suis attardé sur ces deux écri­vains, et leur oppo­si­tion, pour vous mon­trer que les grands auteurs, les modèles, ne sont pas une excuse. Vous vou­lez faire comme Balzac ? Mais il y a Giono.

Pour moi, le cas Balzac est l’antithèse de la pos­ture de l’écrivain. Au lieu de lais­ser venir à lui les envies d’écrire, au lieu de se pla­cer dans une attente fer­tile, de se lais­ser sur­prendre par lui-même, ce qui est l’essence même du plai­sir d’écrire, il pré­voit sa car­rière. Il pré­voit, et il se trompe, car on ne peut pré­voir une vie d’écriture. On ne peut pas déci­der à trente-cinq ans ce que l’on aura envie de faire à soixante.

Attention, soyons clairs : je ne prêche pas ici pour l’absence de plan de tra­vail dans la rédac­tion d’un texte. Le plan du récit est capi­tal. Ne pre­nez pas pré­texte de cet article pour vous pas­ser de plan de rédac­tion ! Craignez mon cour­roux, si vous me ren­dez un jour res­pon­sable d’un texte informe, ou d’une nou­velle lamen­ta­ble­ment dévertébrée.

Non, le pro­blème de Balzac se situe bien dans la pla­ni­fi­ca­tion entre les œuvres. Ce bon Honoré com­mence par fabri­quer un tableau avec des cases vides, puis il essaye péni­ble­ment, mois après mois, année après année, de les rem­plir. Tout comme ces jeunes auteurs que je croise au hasard des forums d’écriture, et qui pensent déjà à une “plu­ri­dé­ca­lo­gie en vingt-trois tomes”, alors qu’ils n’ont pas encore écrit un cha­pitre entier de leur pre­mier roman.

Créer un back­ground n’est pas écrire ; c’est tour­ner autour du pot.

Vous qui vous enga­gez dans la voie de l’écriture, pen­sez chaque matin à Honoré de Balzac. À ce gâchis qui s’appelle Honoré de Balzac.
Vous avez de grands plans en tête, des envies de mettre le monde en mots ? Oubliez vos plans. Écrivez votre his­toire, celle qui vous plaît sur le moment, mais écri­vez-la à fond. Il sera tou­jours temps de vous deman­der quoi écrire ensuite, quand le tra­vail en cours sera terminé.

Tonton Honoré vous salue bien.

Choisissez une pos­ture ouverte, atten­tive, dis­po­nible. Tranquille. Méfiez-vous comme la peste des réflexes pla­ni­fi­ca­teurs et de :

  • tout ce qui res­semble, dans vos pro­jets, à une “Comédie Humaine” ;
  • toutes les envies d’“écrire une suite” : les suites ne se pré­voient pas. C’est le suc­cès seul qui décide ;
  • toutes les ten­ta­tions de créer un uni­vers, par­ti­cu­liè­re­ment dans la fan­tasy (carte, pan­théon, his­toire, langue, monnaie…) ;
  • en bref, tout ce qui engage le futur de votre imaginaire.

Là se joue la dif­fé­rence, selon moi, entre les écri­vains heu­reux et les écri­vains mal­heu­reux. Serez-vous l’un, ou bien l’autre ? Et, plus grave : sau­rez-vous vous pré­ser­ver de l’instinct de planification ?

Soyez atten­tif, ou il pour­rait bien, un jour, gâcher votre talent.


Et toi, sour­cilleux inter­naute ? Tu t’es déjà surpris(e) dans cette posture ?


[1] Je cite de mémoire.

25 commentaire

  1. Isa lise a dit :

    Bien entendu, on croise un peu tout le monde dans l’univers des appren­tis écri­vains, du pseudo génie qui ne relit pas sa copie et fina­le­ment cherche avant tout à flat­ter son égo à celui qui est habité par sa passion.
    Planification ou non ? Il me semble ici qu’il s’agit avant tout de pla­ni­fier son oeuvre, son suc­cès. Pourquoi ? Parce que l’auteur est habité par cet immense pro­jet ou bien par désir de briller ? Le regard peut-il être le même face à cette double réa­lité ? Pour ma part, pas de pla­ni­fi­ca­tion d’ouvrage : par­fois un autre roman vient rem­pla­cer celui que j’envisageais parce que je ne maî­trise pas ma muse. : )
    Pourtant, il me semble aussi que tout auteur aspire à être reconnu… Et cela même s’il s’agit d’un témoi­gnage, même si celui-ci affirme « j’écris pour moi-même ». Pour ma part, j’ai peine à le com­prendre : pour­quoi écrire seule­ment pour soi ? Cette ques­tion me semble impor­tante : pour qui écri­vons-nous ? Est-il mieux d’écrire pour soi ou pour l’autre ? Mais pour quel autre puisque nous ne pou­vons plaire à tous ? Je n’ai pas de réponse à cette question.

    1. Il me semble que l’on écrit tou­jours pour quelqu’un d’autre que soi, et que ceux qui pensent le contraire se leurrent ; regarde le nombre d’écrivains qui se lisent régu­liè­re­ment pour le plaisir…
      Quant à la ques­tion « Pour qui », je pense que le réponse varie d’un ins­tant à l’autre, pen­dant l’acte d’écrire. Selon le pas­sage, le pro­pos, l’écrivain ima­gine l’un ou l’autre des­ti­na­taire, et soigne ce pas­sage en conséquence.

  2. Brand SOUFFY a dit :

    Bonjour NK

    Se relire est pri­mor­dial pour fina­li­ser ne serait-ce qu’une idée. Pour ma part, je relis mes textes des dizaines de fois, sans être sûr du résul­tat. C’est juste ”pro­fes­sion­nel” pas mégalo. Si l’histoire ron­ronne au bout de quelques relec­tures, il s’agit de tailler dans le vif. Autre sujet qui met à mal l’égo.

    1. Alors vous êtes, je pense, dans le vrai : le doute, le sacri­fice, ce sont des attaques por­tées à son propre égo. Tant qu’on se fait mal, c’est que la méga­lo­ma­nie n’est pas tota­le­ment ins­tal­lée 🙂 . Et comme disait Renaud :

      « Mais la dou­leur, c’est très ras­su­rant, ça n’arrive qu’aux vivants. »

  3. Tolila a dit :

    Je dois avouer qu’à ma grande honte, je connais la méga­lo­ma­nie lit­té­raire. Et pour cause : j’ai donné en plein dedans lorsque j’ai com­mencé à écrire sérieu­se­ment vers ma sei­zième année. Je croyais révo­lu­tion­ner la fan­tasy sans me rendre compte de l’indigence de mes écrits. Mais je sup­pose qu’il s’agit d’un vice fré­quent chez les écri­vains débutants.
    Le meilleur remède contre la méga­lo­ma­nie reste pro­ba­ble­ment la récep­tion en série de lettres de refus. Cela rend humble (mais il est vrai que chez cer­tains cela peut mener au syn­drôme du « Grand Ecrivain Incompris »).
    Mais se débar­rasse-t-on jamais d’un fond de méga­lo­ma­nie lit­té­raire lorsqu’on se veut auteur ? Honnêtement, je ne crois pas…

    1. On est dans la rhé­to­rique des qua­li­tés et des défauts : à quel moment cesse-t-on d’être éco­nome pour deve­nir radin ? Quand passe-t-on de la fierté à l’orgueil ?
      La méga­lo­ma­nie est une moti­va­tion à l’écriture, certes, elle est donc utile en soi. La dif­fé­rence, à mon avis, entre les « grands écri­vains incom­pris » et les autres, est la part de regard sur soi, de conscience de soi. Le dan­ger n’est pas d’avoir un gros défaut, le dan­ger est de lui lais­ser la bride…

  4. lael a dit :

    Pour répondre à Isa, dans mon cas, j’écris d’abord pour moi, et ensuite pour les autres. Mais il faut dire aussi que pour l’instant, je ne cherche pas à être publiée. J’utilise l’écriture pour me faire plai­sir et/ou de manière thérapeutique.

    Pour répondre à l’article outch, t’y va pas de main morte avec Balzac XD « Il est onze heures, répéta le per­son­nage muet. » c’est de la poé­sie voyons mdr Si on le lit au second degré c’est très drôle, bien que je me doute que ce soit son intention ?
    Après Giono n’est pas un bon exemple à mes yeux parce que j’ai étu­dié au lycée « un roi sans diver­tis­se­ment » qui est fait de vide et de trucs incom­pré­hen­sibles, même si j’adore l’ironie de l’histoire : vous vous êtes ennuyé en lisant ce livre ? nor­mal, c’est le but ! Il l’a écrit parce qu’il s’ennuyait ! (quand la prof m’a dit ça cela m’a tué XD Un livre sur l’ennui OMG quoi)

    Bref pour moi c’est un peu les deux extrêmes, mais je suis glo­ba­le­ment d’accord avec ta conclu­sion, il faut se lais­ser de la place à l’imaginaire, à se faire conduire par ses per­son­nages, et pas s’enfermer dans des plans. Pour par­ler de moi (puisqu’on est dans la méga­lo­ma­nie lol), j’aime bien me lais­ser por­ter et faire des plans au fur et à mesure. C’est un peu le récit qui me donne les pièces du puzzle, ensuite je les assemble petit à petit et je regarde dans quelle direc­tion je peux aller. Bref j’essaye d’être souple.

    1. Attention, je par­lais des « plans de car­rière », pas des plans internes à un roman. Ceux-ci, nous sommes d’accord, sont indispensables.

      Quant à Giono, je ne pense pas qu’« Un roi » soit un texte vide. Que dire alors du nou­veau roman et des duras­se­ries en tout genre ? Non, il se passe des choses, énor­mé­ment, et notam­ment parce que ce per­son­nage de Langlois n’est pas seul à tenir l’intrigue. Ceci dit, les romans-types de Giono, dans l’optique de mon article, seraient plu­tôt « Que ma joie demeure » ou « Le hus­sard sur le toit »…

  5. Maud a dit :

    Je dois dire que je ne suis pas tout à fait d’accord avec le refus de pla­ni­fier sa car­rière. Je m’explique. Quand j’étais en train d’écrire mon deuxième roman, il y a quelques années, j’ai réa­lisé que je n’avais pas encore de pro­jet pour « l’après », et ça m’a ter­ro­ri­sée. Il faut dire que j’écris depuis l’enfance et que l’idée de ne plus pou­voir écrire un jour me parait insou­te­nable. Du coup j’ai mis un temps fou à ter­mi­ner ce roman, repous­sant sans cesse le moment de la fin et limi­tant mon temps d’écriture pour ne pas le ter­mi­ner trop vite. Heureusement entre temps il m’est venu des idées (sau­vée ! ).
    Maintenant j’écris mon qua­trième roman, et des tas d’idées me sont venues, me don­nant du tra­vail pour les cinq ans à venir. Je dois dire que ça me ras­sure : je peux m’adonner à ma pas­sion sans restriction !
    Evidemment il n’est pas dit que je vais réel­le­ment écrire ces romans en pro­jet. Je pré­fère suivre mes envies du moment pour que l’écriture reste un plaisir…

    1. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas noter ses pro­jets, ni rêvas­ser aux textes non encore écrits (même si cela a un effet plu­tôt néga­tif sur les tra­vaux en cours, voir ce que raconte Jean Giono). Simplement, il faut gar­der à l’esprit qu’ils ne sont que des pro­jets, jus­te­ment, et que l’on n’a aucun enga­ge­ment envers eux.
      C’est lorsque la rêve­rie se trans­forme en obses­sion pla­ni­fi­ca­trice, qu’elle devient sté­rile : « après ça, je ferai ça, et dans dix ans, je ferai ça… »
      Stérile et naïve.

  6. Andrea a dit :

    Je ne connais pas d’auteur mégalo… mais je fré­quente assez peu de gens du milieu donc ceci peut expli­quer cela.

    Je ne pense pas l’être non plus, notam­ment parce que je ne suis pas du genre à pla­ni­fier quoi que ce soit à si loin­taine échéance… Là-des­sus, je rejoins le contenu du billet : je n’éprouve aucun plai­sir à me plier à des règles arbi­traires déci­dées des [années ?] avant. J’ai déjà suf­fi­sam­ment de mal à suivre une seule trame écrite à l’avance sans lui faire des entorses ni par­tir en caca­huète, alors le pro­jet d’après… on le verra quand le pro­jet actuel sera ter­miné. J’ai une ou deux pistes, que j’ai soi­gneu­se­ment ran­gées dans mes dos­siers perso, et que je res­sor­ti­rai le moment venu. Ou alors je trou­ve­rai autre chose !

    En fait, je ne m’étais abso­lu­ment pas posé toutes ces ques­tions avant de lire ce billet…

  7. Julien a dit :

    Je me sens comme Giono, nar­gué par les mots qui me viennent et qui ne sont pas mon his­toire. Il n’y a pas d’idée, il n’y a que des mots. Je pour­rai dire que chaque jour il y a une nou­velle his­toire, chaque jour mon ima­gi­na­tion m’emmène en péri­phé­rie de ce que j’écris. et à l’instant où je me demande si une nou­velle ou un livre sor­tira de cette écri­ture « moteur », je ne peux pas m’empêcher de noter inlas­sa­ble­ment chaque pen­sée, chaque phrase, et d’encombrer mes notes de super­flu. On remarque bien vite qu’une phrase peut lan­cer une his­toire, on s’en sent capable, vaillant, mais au pre­mier point tout s’écroule. et le len­de­main ? ça recom­mence, avec la suite, ou celle d’une autre ébauche.
    Finalement, il n’y a que des mots. pla­ni­fier ce que l’on va écrire, ce que l’on va faire de notre vie ? j’ai déjà du mal à pla­ni­fier ce que j’ai déjà écrit, du mal à pla­ni­fier une journée.
    Une his­toire se retrouve en une phrase, on en a tous écrit des mil­liers. si je devais néan­moins pla­ni­fier ma vie d’écriture, je dirai que j’aurai du bou­lot, à moins que je ne m’en lasse, jusqu’à la fin de mes jours, à force d’étaler mes « idées » sur le papier.
    Non, pas ren­con­tré de de mégalo, pas ren­con­tré grand monde d’ailleurs dans ce milieu, je ne m’y insé­re­rais que si j’y trouve inté­rêt. Pour l’instant, je reste loin de l’idée que mon machin se ter­mi­nera, je reste près de lui seule­ment, et je l’arrose, pour qu’il pousse. Les mau­vaises herbes autour ? eh bien je les fait sécher dans mon her­bier, en atten­dant de leur don­ner un nom.
    Avez-vous une « comé­die humaine » ? avez vous un ins­tinct de pla­ni­fi­ca­tion ? je ne connais pas ça, j’écris parce que j’écris. Et même si l’on rêve de gloire et de génie, jamais quand le stylo frotte sur le papier, tou­jours avant, tou­jours après.

    1. « Et même si l’on rêve de gloire et de génie, jamais quand le stylo frotte sur le papier, tou­jours avant, tou­jours après. »

      Un com­men­ce­ment de sagesse… ?
      Merci pour ce beau com­men­taire en tout cas.

  8. Andrea a dit :

    Toujours au même endroit 😉 (on va voir s’il y en a qui suivent)

    Et sinon déso­lée de ne répondre que main­te­nant, mais je l’avoue hum­ble­ment, je suis une Alzheimer en puis­sance, j’ai ten­dance à oublier quels billets je com­mente. D’ailleurs, je regrette un peu qu’on ne soit pas aver­tis par e‑mail à chaque réponse (ou qu’on n’ait pas la pos­si­bi­lité de choi­sir d’être aver­tis ou non).

  9. Annie a dit :

    Bonjour !!

    Merci pour toutes ces infor­ma­tions ! C’est sin­cè­re­ment inté­res­sant et aidant.

    J’aimerais savoir pour­quoi il faut évi­ter la créa­tion d’un monde, d’un univers…(particulièrement dans la fan­tasy (carte, pan­théon, his­toire, langue, mon­naie…) pour vous citer…

    Merci beau­coup !!

    1. A votre ser­vice ; en fait, c’est ce que j’explique dans tout l’article : l’univers est une impasse de l’écriture. Un uni­vers sans his­toire ne fait pas un roman ; une his­toire sans uni­vers fait presque un roman. Ne créez que ce qui vous est utile dans votre uni­vers ; tout le reste est selon moi du temps perdu.

  10. Laure a dit :

    Megalo… oui c’est bien moi. J’ai com­mencé un roman qui s’est essouf­flé sous le coup de phrases lourdes et pré­ten­tieuses. A ce moment là j’étais à Berlin, j’ai ren­con­tré des peintres, des pro­duc­teurs et d’autres écri­vains qui n’ont jamais connus de réels suc­cès, mais qui savaient se mettre en valeur. Alors je les ai écouté, naïve que j’étais, et j’ai com­mencé à « m’auto-complimenter » dans un livre. Cependant, je savais que j’étais en train de faire une erreur. Reprendre tout l’ouvrage et se confron­ter à soi-même est tout aussi inté­res­sant. Réécrire son livre en se repo­si­tion­nant en tant qu’observateur et non en tant que muse est une épreuve que je ne connais­sais pas et qui m’a beau­coup appris.

    En tom­bant sur votre article, j’ai donc beau­coup rit. Merci de la jus­tesse du ton et des mots que vous uti­li­sez. Ils sont une bonne décharge élec­trique. Sinon, je suis heu­reuse de décou­vrir quelqu’un qui déteste Balzac autant que moi.

    Je me replonge dans vos autres billets lit­té­raires. A bientôt.

  11. Quand j’é­tais en Licence de Lettres, il y avait un module « lit­té­ra­ture médié­vale ». Notre pro­fes­seur insis­tait sur le fait que l’au­teur n’a­vait pas ce carac­tère sacré actuel. Un texte était sou­vent créé ano­ny­me­ment, chanté de ville en ville et sou­vent modi­fié selon les divers évè­ne­ments sociaux ou poli­tiques et l’hu­meur de l’ar­tiste, et quand il était retrans­crit par un copiste, ce der­nier pou­vait lui aussi appor­ter des variantes. La notion de diva de l’é­cri­ture, reliée à la démo­cra­ti­sa­tion des moyens de trans­crip­tion, est moderne. Idem pour l’or­tho­graphe selon les lois de la lin­guis­tique, sou­mise à un lent, ano­nyme, col­lec­tif et puis­sant cou­rant, mal­gré les bar­rages de la gram­maire et de ses réformes …
    J’en arri­vais à me dire : boah, tout a déjà été dit d’es­sen­tiel, pour­quoi faire l’écri-vaine ?
    J’allais trop loin, j’a­vais nié un besoin de faire sor­tir des images et des mots, j’a­vais nié le plaisir.

    1. Un essor des « diva de l’écriture » que je situe­rais pour ma part à la période romantique.
      Ce que vous dites de l’é­vo­lu­tion de la langue explique aussi pour­quoi les réformes, le jar­gon « cor­po­rate », les construc­tions type « écri­ture inclu­sive », les ortho­graphes sim­pli­fiées etc ont du mal à s’im­po­ser. Mais c’est un autre et pas­sion­nant débat…

  12. C’est un peu frus­trant de tom­ber encore et tou­jours sur un article qui prend les auteurs de Fantasy comme le contre-exemple de ce qu’il faut faire comme écrivain. 

    Pour ma part, je ne me suis sen­tie libé­rée que lorsque, fai­sant fi des accu­sa­tions de « viser la lune » et autres « de l’am­bi­tion ? bouuuh»«quoi ? mais tu veux faire comme Tolkien en fait ? » (spoi­ler : non, je n’ai aucune volonté d’in­ven­ter une langue merci bien) j’ai enfin plongé tête la pre­mière dans mon uni­vers… et sur­tout les mul­tiples his­toires que ce der­nier génère. J’ai l’im­pres­sion que plus je l’ex­plore, plus j’ex­traie des choses inté­res­santes et des his­toires en deve­nir. Je n’ai le sen­ti­ment d’être ni Balzac, ni Giono, mais plu­tôt d’en­fin sor­tir de ma tête ce qui était en ger­mi­na­tion depuis des années. Une fois les quatre romans « fon­da­teurs » de mon uni­vers finis(et tant pis pour les mau­vaises langues, ils sont déjà bien avan­cés), je me lais­se­rai le temps d’ex­plo­rer encore un peu et de choi­sir la pro­chaine his­toire à développer. 

    Mais qu’est-ce que ça fait du bien de sor­tir ces his­toires qui me hantent l’es­prit depuis si longtemps !

    1. Je n’ai jamais remar­qué qu’il y avait un « écri­vains de fan­tasy-bashing ». En revanche je donne quelques argu­ments contre ce réflexe méga­lo­ma­niaque, et vous n’y répon­dez pas vraiment.

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