Ce que vous allez apprendre dans cet article :
- La posture de Balzac (planifier son univers jusqu’à l’absurde)
- La posture de Giono (se « laisser écrire »)
- Et vous ?
La mégalomanie est souvent associée à la “gent écriveuse”. Certes, l’auteur de livres est mégalo au sens courant du terme. Les couloirs des maisons d’édition bruissent de ces récits homériques d’écrivains se prenant un peu trop au sérieux. Mais je voudrais explorer avec vous plus profondément ce “danger mégalomaniaque” qui guette l’artiste ; et plus précisément, la compulsion planificatrice (ou comme on le voit chez les écrivains modernes, le besoin de créer un background). Le besoin de tirer des plans sur la comète.
Balzac (ou comment créer un background quand on ne connaît pas le mot…)
1834. Honoré de Balzac a 35 ans. Il vient de mettre par écrit le premier plan d’ensemble de ses œuvres passées, présentes et à venir : la « Comédie Humaine ». Ce que Dante a fait, il doit le faire aussi. Il écrit :
A la base de l’édifice : les Études de mœurs représentent les effets sociaux. La seconde assise est les Études philosophiques, car, après les effets viendront les causes.
Etc. Les romans existants sont rangés en sous-rubriques, ceux à venir prévus dans d’autres sous-rubriques.
Régulièrement, tout en écrivant, Balzac va reprendre son immense projet et le chambouler totalement. Il laissera des fortunes en corrections sur presse, au moment d’imprimer l’un ou l’autre volume de son grand projet. Il se nourrit, il est habité de ses plans, au point qu’il traverse un jour tout Paris pour aller raconter la “Comédie Humaine” à des amis. Arrivé chez eux, il s’annonce par ces mots : « Saluez-moi car je suis tout bonnement en train de devenir un génie. »
Giono (ou comment « se laisser écrire »)
1953. Jean Giono a 58 ans. Il raconte à Jean Amrouche ses difficultés d’écriture. En effet, L’écrivain de Manosque a depuis toujours un mal fou à rester dans le livre qu’il est en train de rédiger. Tandis qu’il écrit, il « voit passer des personnages » [1] Des personnages qui n’ont rien à voir avec son histoire. Des personnages avec leurs particularités, leurs rapports, leurs rêves… Et il sent une frustration permanente à être coincé dans le texte qu’il écrit, alors qu’il y en à un autre, à écrire, qui le nargue.
Jusqu’à ce que son roman en cours soit achevé. Giono peut alors commencer le suivant, celui qui lui trottait dans la tête. Il prend la plume, une feuille blanche, et là, dit-il, « Tout s’effondre, tout disparaît. » Et tout est à retrouver, laborieusement. Le roman qu’il rêvait est devenu la nouvelle corvée.
Admiration et opposition
Balzac, Giono. Deux écrivains, dont le second fut d’abord grand admirateur du premier. Un admirateur qui avait été jusqu’à planifier, à 39 ans (soit presque au même âge que son modèle), sa propre “Comédie Humaine”.
Puis qui y renonça.
J’ai toujours vu, dans le rapprochement de ces deux écrivains, quelque chose de fascinant. Il y a, d’un côté, un auteur naïf, hyperactif, graphomane et moyennement doué : Balzac. Sans arrêt, il ré-orchestre son œuvre. Et de l’autre, Jean Giono, qui perd beaucoup de temps en rêveries, en méditations et en voyages intérieurs. D’un côté, un maréchal d’empire ; de l’autre, un ermite souriant.
D’un côté, un homme qui voit la littérature comme un moyen, qui trépigne d’impatience de se déclarer “génie”. Un homme qui, à 35 ans, à l’orée de sa carrière d’écrivain, engage son futur, sur la foi des envies de l’instant précis. Et qui pousse la fidélité à soi-même, ou peut-être la bêtise, à les écrire, ces livres ! Un homme avec du talent, des idées, qui transforme sa vie en prison littéraire. Un homme qui courra toute son existence après le temps, qui s’épuisera à sa “Comédie Humaine”, qui y jettera des tombereaux d’argent, le sien et celui des autres. Tout cela pour laisser à la postérité des splendeurs comme :
Il l’atteignit si furieusement de son poignard qu’il le manqua.
Il est onze heures, répéta le personnage muet.
… et une prose à la teneur de coton hydrophile, par exemple (je prends au hasard, c’est dans L’histoire des Treize) :
D’ailleurs, les hommes les plus forts sont naturellement les plus impressionnés et conséquemment les plus superstitieux, si toutefois on peut appeler superstition le préjugé du premier mouvement, qui sans doute est l’aperçu du résultat dans les causes cachées à d’autres yeux, mais perceptibles aux leurs.
De l’autre côté, vous avez Jean Giono, un homme qui sut prendre la vie avec une grande joie, qui écrivit des bijoux de trouvaille, d’invention, qui créa des personnages ébouriffants de vérité ; un artisan du romanesque, un conteur, un homme qui se “laissait écrire”, comme on se “laisse vivre”. Jean Giono qui, au moment des Entretiens avec Jean Amrouche, n’est plus dupe de son ancien maître :
Il y a tout à l’heure quarante ans que je relis Balzac toutes les années. Et toutes les fois je me dis : « Oh mon Dieu, que c’est mal écrit ! Oh mon Dieu que ça ne signifie rien ! Oh mon Dieu que c’est mauvais ! » Chaque fois. Alors que tout à l’heure, je te parlais de cette prodigieuse abondance de Victor Hugo au début de L’Homme qui rit, je te parle maintenant de l’abondance mesquine de Balzac.
Vous-même
Vous vous demandez sans doute le rapport avec votre propre pratique d’écrivain ? Le voici.
En plus de balancer quelques coups de pied de l’âne à Balzac, ce qui me fait toujours un bien fou, je me suis attardé sur ces deux écrivains, et leur opposition, pour vous montrer que les grands auteurs, les modèles, ne sont pas une excuse. Vous voulez faire comme Balzac ? Mais il y a Giono.
Pour moi, le cas Balzac est l’antithèse de la posture de l’écrivain. Au lieu de laisser venir à lui les envies d’écrire, au lieu de se placer dans une attente fertile, de se laisser surprendre par lui-même, ce qui est l’essence même du plaisir d’écrire, il prévoit sa carrière. Il prévoit, et il se trompe, car on ne peut prévoir une vie d’écriture. On ne peut pas décider à trente-cinq ans ce que l’on aura envie de faire à soixante.
Attention, soyons clairs : je ne prêche pas ici pour l’absence de plan de travail dans la rédaction d’un texte. Le plan du récit est capital. Ne prenez pas prétexte de cet article pour vous passer de plan de rédaction ! Craignez mon courroux, si vous me rendez un jour responsable d’un texte informe, ou d’une nouvelle lamentablement dévertébrée.
Non, le problème de Balzac se situe bien dans la planification entre les œuvres. Ce bon Honoré commence par fabriquer un tableau avec des cases vides, puis il essaye péniblement, mois après mois, année après année, de les remplir. Tout comme ces jeunes auteurs que je croise au hasard des forums d’écriture, et qui pensent déjà à une “pluridécalogie en vingt-trois tomes”, alors qu’ils n’ont pas encore écrit un chapitre entier de leur premier roman.
Créer un background n’est pas écrire ; c’est tourner autour du pot.
Vous qui vous engagez dans la voie de l’écriture, pensez chaque matin à Honoré de Balzac. À ce gâchis qui s’appelle Honoré de Balzac.
Vous avez de grands plans en tête, des envies de mettre le monde en mots ? Oubliez vos plans. Écrivez votre histoire, celle qui vous plaît sur le moment, mais écrivez-la à fond. Il sera toujours temps de vous demander quoi écrire ensuite, quand le travail en cours sera terminé.
Choisissez une posture ouverte, attentive, disponible. Tranquille. Méfiez-vous comme la peste des réflexes planificateurs et de :
- tout ce qui ressemble, dans vos projets, à une “Comédie Humaine” ;
- toutes les envies d’“écrire une suite” : les suites ne se prévoient pas. C’est le succès seul qui décide ;
- toutes les tentations de créer un univers, particulièrement dans la fantasy (carte, panthéon, histoire, langue, monnaie…) ;
- en bref, tout ce qui engage le futur de votre imaginaire.
Là se joue la différence, selon moi, entre les écrivains heureux et les écrivains malheureux. Serez-vous l’un, ou bien l’autre ? Et, plus grave : saurez-vous vous préserver de l’instinct de planification ?
Soyez attentif, ou il pourrait bien, un jour, gâcher votre talent.
Et toi, sourcilleux internaute ? Tu t’es déjà surpris(e) dans cette posture ?
[1] Je cite de mémoire.
Bien entendu, on croise un peu tout le monde dans l’univers des apprentis écrivains, du pseudo génie qui ne relit pas sa copie et finalement cherche avant tout à flatter son égo à celui qui est habité par sa passion.
Planification ou non ? Il me semble ici qu’il s’agit avant tout de planifier son oeuvre, son succès. Pourquoi ? Parce que l’auteur est habité par cet immense projet ou bien par désir de briller ? Le regard peut-il être le même face à cette double réalité ? Pour ma part, pas de planification d’ouvrage : parfois un autre roman vient remplacer celui que j’envisageais parce que je ne maîtrise pas ma muse. : )
Pourtant, il me semble aussi que tout auteur aspire à être reconnu… Et cela même s’il s’agit d’un témoignage, même si celui-ci affirme « j’écris pour moi-même ». Pour ma part, j’ai peine à le comprendre : pourquoi écrire seulement pour soi ? Cette question me semble importante : pour qui écrivons-nous ? Est-il mieux d’écrire pour soi ou pour l’autre ? Mais pour quel autre puisque nous ne pouvons plaire à tous ? Je n’ai pas de réponse à cette question.
Il me semble que l’on écrit toujours pour quelqu’un d’autre que soi, et que ceux qui pensent le contraire se leurrent ; regarde le nombre d’écrivains qui se lisent régulièrement pour le plaisir…
Quant à la question « Pour qui », je pense que le réponse varie d’un instant à l’autre, pendant l’acte d’écrire. Selon le passage, le propos, l’écrivain imagine l’un ou l’autre destinataire, et soigne ce passage en conséquence.
Bonjour NK
Se relire est primordial pour finaliser ne serait-ce qu’une idée. Pour ma part, je relis mes textes des dizaines de fois, sans être sûr du résultat. C’est juste ”professionnel” pas mégalo. Si l’histoire ronronne au bout de quelques relectures, il s’agit de tailler dans le vif. Autre sujet qui met à mal l’égo.
Alors vous êtes, je pense, dans le vrai : le doute, le sacrifice, ce sont des attaques portées à son propre égo. Tant qu’on se fait mal, c’est que la mégalomanie n’est pas totalement installée 🙂 . Et comme disait Renaud :
« Mais la douleur, c’est très rassurant, ça n’arrive qu’aux vivants. »
Je dois avouer qu’à ma grande honte, je connais la mégalomanie littéraire. Et pour cause : j’ai donné en plein dedans lorsque j’ai commencé à écrire sérieusement vers ma seizième année. Je croyais révolutionner la fantasy sans me rendre compte de l’indigence de mes écrits. Mais je suppose qu’il s’agit d’un vice fréquent chez les écrivains débutants.
Le meilleur remède contre la mégalomanie reste probablement la réception en série de lettres de refus. Cela rend humble (mais il est vrai que chez certains cela peut mener au syndrôme du « Grand Ecrivain Incompris »).
Mais se débarrasse-t-on jamais d’un fond de mégalomanie littéraire lorsqu’on se veut auteur ? Honnêtement, je ne crois pas…
On est dans la rhétorique des qualités et des défauts : à quel moment cesse-t-on d’être économe pour devenir radin ? Quand passe-t-on de la fierté à l’orgueil ?
La mégalomanie est une motivation à l’écriture, certes, elle est donc utile en soi. La différence, à mon avis, entre les « grands écrivains incompris » et les autres, est la part de regard sur soi, de conscience de soi. Le danger n’est pas d’avoir un gros défaut, le danger est de lui laisser la bride…
Pour répondre à Isa, dans mon cas, j’écris d’abord pour moi, et ensuite pour les autres. Mais il faut dire aussi que pour l’instant, je ne cherche pas à être publiée. J’utilise l’écriture pour me faire plaisir et/ou de manière thérapeutique.
Pour répondre à l’article outch, t’y va pas de main morte avec Balzac XD « Il est onze heures, répéta le personnage muet. » c’est de la poésie voyons mdr Si on le lit au second degré c’est très drôle, bien que je me doute que ce soit son intention ?
Après Giono n’est pas un bon exemple à mes yeux parce que j’ai étudié au lycée « un roi sans divertissement » qui est fait de vide et de trucs incompréhensibles, même si j’adore l’ironie de l’histoire : vous vous êtes ennuyé en lisant ce livre ? normal, c’est le but ! Il l’a écrit parce qu’il s’ennuyait ! (quand la prof m’a dit ça cela m’a tué XD Un livre sur l’ennui OMG quoi)
Bref pour moi c’est un peu les deux extrêmes, mais je suis globalement d’accord avec ta conclusion, il faut se laisser de la place à l’imaginaire, à se faire conduire par ses personnages, et pas s’enfermer dans des plans. Pour parler de moi (puisqu’on est dans la mégalomanie lol), j’aime bien me laisser porter et faire des plans au fur et à mesure. C’est un peu le récit qui me donne les pièces du puzzle, ensuite je les assemble petit à petit et je regarde dans quelle direction je peux aller. Bref j’essaye d’être souple.
Attention, je parlais des « plans de carrière », pas des plans internes à un roman. Ceux-ci, nous sommes d’accord, sont indispensables.
Quant à Giono, je ne pense pas qu’« Un roi » soit un texte vide. Que dire alors du nouveau roman et des durasseries en tout genre ? Non, il se passe des choses, énormément, et notamment parce que ce personnage de Langlois n’est pas seul à tenir l’intrigue. Ceci dit, les romans-types de Giono, dans l’optique de mon article, seraient plutôt « Que ma joie demeure » ou « Le hussard sur le toit »…
Je dois dire que je ne suis pas tout à fait d’accord avec le refus de planifier sa carrière. Je m’explique. Quand j’étais en train d’écrire mon deuxième roman, il y a quelques années, j’ai réalisé que je n’avais pas encore de projet pour « l’après », et ça m’a terrorisée. Il faut dire que j’écris depuis l’enfance et que l’idée de ne plus pouvoir écrire un jour me parait insoutenable. Du coup j’ai mis un temps fou à terminer ce roman, repoussant sans cesse le moment de la fin et limitant mon temps d’écriture pour ne pas le terminer trop vite. Heureusement entre temps il m’est venu des idées (sauvée ! ).
Maintenant j’écris mon quatrième roman, et des tas d’idées me sont venues, me donnant du travail pour les cinq ans à venir. Je dois dire que ça me rassure : je peux m’adonner à ma passion sans restriction !
Evidemment il n’est pas dit que je vais réellement écrire ces romans en projet. Je préfère suivre mes envies du moment pour que l’écriture reste un plaisir…
Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas noter ses projets, ni rêvasser aux textes non encore écrits (même si cela a un effet plutôt négatif sur les travaux en cours, voir ce que raconte Jean Giono). Simplement, il faut garder à l’esprit qu’ils ne sont que des projets, justement, et que l’on n’a aucun engagement envers eux.
C’est lorsque la rêverie se transforme en obsession planificatrice, qu’elle devient stérile : « après ça, je ferai ça, et dans dix ans, je ferai ça… »
Stérile et naïve.
Je ne connais pas d’auteur mégalo… mais je fréquente assez peu de gens du milieu donc ceci peut expliquer cela.
Je ne pense pas l’être non plus, notamment parce que je ne suis pas du genre à planifier quoi que ce soit à si lointaine échéance… Là-dessus, je rejoins le contenu du billet : je n’éprouve aucun plaisir à me plier à des règles arbitraires décidées des [années ?] avant. J’ai déjà suffisamment de mal à suivre une seule trame écrite à l’avance sans lui faire des entorses ni partir en cacahuète, alors le projet d’après… on le verra quand le projet actuel sera terminé. J’ai une ou deux pistes, que j’ai soigneusement rangées dans mes dossiers perso, et que je ressortirai le moment venu. Ou alors je trouverai autre chose !
En fait, je ne m’étais absolument pas posé toutes ces questions avant de lire ce billet…
Merci !
Il y a un endroit où on peut en savoir un peu plus sur ton « projet actuel » ?
Je me sens comme Giono, nargué par les mots qui me viennent et qui ne sont pas mon histoire. Il n’y a pas d’idée, il n’y a que des mots. Je pourrai dire que chaque jour il y a une nouvelle histoire, chaque jour mon imagination m’emmène en périphérie de ce que j’écris. et à l’instant où je me demande si une nouvelle ou un livre sortira de cette écriture « moteur », je ne peux pas m’empêcher de noter inlassablement chaque pensée, chaque phrase, et d’encombrer mes notes de superflu. On remarque bien vite qu’une phrase peut lancer une histoire, on s’en sent capable, vaillant, mais au premier point tout s’écroule. et le lendemain ? ça recommence, avec la suite, ou celle d’une autre ébauche.
Finalement, il n’y a que des mots. planifier ce que l’on va écrire, ce que l’on va faire de notre vie ? j’ai déjà du mal à planifier ce que j’ai déjà écrit, du mal à planifier une journée.
Une histoire se retrouve en une phrase, on en a tous écrit des milliers. si je devais néanmoins planifier ma vie d’écriture, je dirai que j’aurai du boulot, à moins que je ne m’en lasse, jusqu’à la fin de mes jours, à force d’étaler mes « idées » sur le papier.
Non, pas rencontré de de mégalo, pas rencontré grand monde d’ailleurs dans ce milieu, je ne m’y insérerais que si j’y trouve intérêt. Pour l’instant, je reste loin de l’idée que mon machin se terminera, je reste près de lui seulement, et je l’arrose, pour qu’il pousse. Les mauvaises herbes autour ? eh bien je les fait sécher dans mon herbier, en attendant de leur donner un nom.
Avez-vous une « comédie humaine » ? avez vous un instinct de planification ? je ne connais pas ça, j’écris parce que j’écris. Et même si l’on rêve de gloire et de génie, jamais quand le stylo frotte sur le papier, toujours avant, toujours après.
« Et même si l’on rêve de gloire et de génie, jamais quand le stylo frotte sur le papier, toujours avant, toujours après. »
Un commencement de sagesse… ?
Merci pour ce beau commentaire en tout cas.
Toujours au même endroit 😉 (on va voir s’il y en a qui suivent)
Et sinon désolée de ne répondre que maintenant, mais je l’avoue humblement, je suis une Alzheimer en puissance, j’ai tendance à oublier quels billets je commente. D’ailleurs, je regrette un peu qu’on ne soit pas avertis par e‑mail à chaque réponse (ou qu’on n’ait pas la possibilité de choisir d’être avertis ou non).
Je me renseigne pour les notifications de réponse…
Bonjour !!
Merci pour toutes ces informations ! C’est sincèrement intéressant et aidant.
J’aimerais savoir pourquoi il faut éviter la création d’un monde, d’un univers…(particulièrement dans la fantasy (carte, panthéon, histoire, langue, monnaie…) pour vous citer…
Merci beaucoup !!
A votre service ; en fait, c’est ce que j’explique dans tout l’article : l’univers est une impasse de l’écriture. Un univers sans histoire ne fait pas un roman ; une histoire sans univers fait presque un roman. Ne créez que ce qui vous est utile dans votre univers ; tout le reste est selon moi du temps perdu.
Megalo… oui c’est bien moi. J’ai commencé un roman qui s’est essoufflé sous le coup de phrases lourdes et prétentieuses. A ce moment là j’étais à Berlin, j’ai rencontré des peintres, des producteurs et d’autres écrivains qui n’ont jamais connus de réels succès, mais qui savaient se mettre en valeur. Alors je les ai écouté, naïve que j’étais, et j’ai commencé à « m’auto-complimenter » dans un livre. Cependant, je savais que j’étais en train de faire une erreur. Reprendre tout l’ouvrage et se confronter à soi-même est tout aussi intéressant. Réécrire son livre en se repositionnant en tant qu’observateur et non en tant que muse est une épreuve que je ne connaissais pas et qui m’a beaucoup appris.
En tombant sur votre article, j’ai donc beaucoup rit. Merci de la justesse du ton et des mots que vous utilisez. Ils sont une bonne décharge électrique. Sinon, je suis heureuse de découvrir quelqu’un qui déteste Balzac autant que moi.
Je me replonge dans vos autres billets littéraires. A bientôt.
Merci pour ce sympathique retour.
« Les autres » jouent un très grand rôle dans l’évolution d’un écrivain. De toutes sortes de façons.
Quand j’étais en Licence de Lettres, il y avait un module « littérature médiévale ». Notre professeur insistait sur le fait que l’auteur n’avait pas ce caractère sacré actuel. Un texte était souvent créé anonymement, chanté de ville en ville et souvent modifié selon les divers évènements sociaux ou politiques et l’humeur de l’artiste, et quand il était retranscrit par un copiste, ce dernier pouvait lui aussi apporter des variantes. La notion de diva de l’écriture, reliée à la démocratisation des moyens de transcription, est moderne. Idem pour l’orthographe selon les lois de la linguistique, soumise à un lent, anonyme, collectif et puissant courant, malgré les barrages de la grammaire et de ses réformes …
J’en arrivais à me dire : boah, tout a déjà été dit d’essentiel, pourquoi faire l’écri-vaine ?
J’allais trop loin, j’avais nié un besoin de faire sortir des images et des mots, j’avais nié le plaisir.
Un essor des « diva de l’écriture » que je situerais pour ma part à la période romantique.
Ce que vous dites de l’évolution de la langue explique aussi pourquoi les réformes, le jargon « corporate », les constructions type « écriture inclusive », les orthographes simplifiées etc ont du mal à s’imposer. Mais c’est un autre et passionnant débat…
Oui, c’est cela, j’avais parlé d’époque « moderne » mais j’aurais dû utiliser « contemporaine », c’est à dire au sens historique depuis 1789.
C’est un peu frustrant de tomber encore et toujours sur un article qui prend les auteurs de Fantasy comme le contre-exemple de ce qu’il faut faire comme écrivain.
Pour ma part, je ne me suis sentie libérée que lorsque, faisant fi des accusations de « viser la lune » et autres « de l’ambition ? bouuuh»«quoi ? mais tu veux faire comme Tolkien en fait ? » (spoiler : non, je n’ai aucune volonté d’inventer une langue merci bien) j’ai enfin plongé tête la première dans mon univers… et surtout les multiples histoires que ce dernier génère. J’ai l’impression que plus je l’explore, plus j’extraie des choses intéressantes et des histoires en devenir. Je n’ai le sentiment d’être ni Balzac, ni Giono, mais plutôt d’enfin sortir de ma tête ce qui était en germination depuis des années. Une fois les quatre romans « fondateurs » de mon univers finis(et tant pis pour les mauvaises langues, ils sont déjà bien avancés), je me laisserai le temps d’explorer encore un peu et de choisir la prochaine histoire à développer.
Mais qu’est-ce que ça fait du bien de sortir ces histoires qui me hantent l’esprit depuis si longtemps !
Je n’ai jamais remarqué qu’il y avait un « écrivains de fantasy-bashing ». En revanche je donne quelques arguments contre ce réflexe mégalomaniaque, et vous n’y répondez pas vraiment.