Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • Définition du compte d’au­teur et d’éditeur
  • L’aspect sen­ti­men­tal de la question
  • Faire votre choix en connais­sance de cause

On entend toutes sortes de choses sur le contrat à compte d’au­teur. Voici un point pré­cis et tech­nique sur cette façon de publier un livre.

Derrière les livres peuvent se cacher des modèles éco­no­miques très variés. Vous ne les dis­tin­gue­rez pas à l’œil nu (quoique…) mais le mode de finan­ce­ment d’un livre est une ques­tion com­plexe, et qui vous concerne de très près. Si vous vou­lez publier un livre, vous devrez y faire attention.

Les bons comptes font les bons amis

On ren­contre, en France, deux modèles prin­ci­paux : l’édition à compte d’éditeur et l’édition à compte d’auteur.

Dans le compte d’éditeur, le livre est un pro­jet voulu, rêvé par la mai­son d’édition. Elle le finance sur fonds propres, et elle prend toutes les déci­sions impor­tantes qui vont ame­ner le texte jusque sur la table des libraires. « C’est l’éditeur qui paye », mais pas seule­ment : c’est aussi l’éditeur qui fait, et qui veut.

Dans le sys­tème à compte d’auteur, l’éditeur se place en pres­ta­taire de ser­vice. Le client, c’est vous. Vous appor­tez les fonds pour réa­li­ser votre ouvrage. Votre pres­ta­taire vous imprime votre livre. Quoi qu’en dise votre édi­teur, la vente au lec­teur sera de votre unique res­sort.

Même si ce pres­ta­taire vous pro­met des envois presse, des séances de dédi­cace, il ne fera rien pour la pro­mo­tion du livre, puisque la pro­mo­tion est moti­vée par le risque, et qu’il ne prend aucun risque.

Ne vous fiez pas non plus à ses com­pli­ments sur votre texte : vous êtes son client, il a tout inté­rêt à vous cares­ser dans le sens du poil.

Quiz express (réponses en bas de page) : Mon édi­teur me demande 500 € pour par­ti­ci­per aux frais de com­mer­cia­li­sa­tion de l’ouvrage. Je suis dans le compte d’éditeur ?

  1. Oui
  2. Non

Or, l’édition fran­çaise souffre d’une double fai­blesse “idéo­lo­gique” :

  • le pres­tige exa­géré du livre, qui fait que cha­cun espère être édité un jour (1 fran­çais sur 3, dit-on, aurait un manus­crit dans son tiroir…) ;
  • l’ignorance totale du grand public concer­nant l’univers des mai­sons d’édition. Jouant sur la confu­sion, des indé­li­cats, qui n’ont rien à voir avec des édi­teurs, montent de temps en temps une petite entre­prise d’abus de confiance.

Quiz express : Mon édi­teur à compte d’auteur me pro­met de faire 20 envois presse. Je peux le croire ?

  1. Oui
  2. Non

Et puis le CALCRE vint…

Dans les années 1980, un col­lec­tif se consti­tue : le CALCRE (Comité des auteurs en lutte contre le racket de l’édition). Ses tra­vaux, et notam­ment son énorme bot­tin de l’édition, Audace, vont aler­ter une bonne par­tie des jeunes écri­vains sur les pra­tiques de cer­taines cra­pules (et notam­ment le “compte d’auteur déguisé”). Ensuite, le CALCRE mène une enquête per­ma­nente auprès des mai­sons d’édition, et publie régu­liè­re­ment de nou­velles édi­tions du guide Audace. L’aventure du CALCRE s’est ter­mi­née, mais Audace peut être trouvé d’oc­ca­sion, avec un peu de chance.

L’effet n’a été, me semble-t-il, qu’à moi­tié posi­tif : d’abord, la majeure par­tie des auteurs ama­teurs conti­nue à igno­rer la menace poin­tée sur leur por­te­feuille. Mais sur­tout, existe désor­mais une mino­rité d’auteurs à qui « on ne la fait pas » ; des mises en garde du CALCRE, ils n’ont retenu qu’une chose : “édi­teur = escroc”. Le cli­ché avait déjà la vie belle. Désormais, grâce à Audace, il s’est changé en mythe inattaquable.

Car l’édition à compte d’auteur a sa légi­ti­mité. Elle n’est, en soi, ni bonne ni mau­vaise, tant qu’elle est pra­ti­quée entre adultes consen­tants. André Gide a publié à compte d’auteur. Tout comme Verlaine, Rimbaud ou Proust.

Quiz express : J’ai envoyé mon roman aux Éditions Prentout. Je n’ai pas trop regardé ce qu’ils publiaient. Ils m’ont répondu, mais ils me demandent de payer mon édi­tion. Ce sont des escrocs ?

  1. Oui
  2. Non

Quand vous allez dans un copy-shop pour impri­mer des pho­to­co­pies, vous ne vous atten­dez pas à ce que le patron vous offre le tirage, n’est-ce pas ? Eh bien dans cer­tains cas, où l’on a besoin d’un livre à usage interne, où l’on a envie de faire dupli­quer son manus­crit pour le cercle fami­lial, le compte d’auteur est la seule solu­tion intelligente.

Le “compte d’auteur déguisé” est certes abu­sif, mais vous devez bien signer quelque chose avant de publier votre livre. Vous iriez signer un contrat d’édition sans le lire ? Moi pas.

Quiz express : J’ai écrit un livre sur mon vil­lage de 500 habi­tants. Je vou­drais main­te­nant en faire un livre. J’envoie le projet :

  1. À un édi­teur à compte d’auteur ;
  2. À un édi­teur à compte d’éditeur.

Différents noms pour une même chose

Contrat à compte d'auteur : évitez que l'on "profil" de vous...
Contrat à compte d’au­teur :
évi­tez que l’on « pro­fil » de vous…

À cela s’ajoutent quelques variantes mineures, mais qui s’apparentent toutes, qu’on le veuille ou non, au compte d’auteur :
<ul »>

  • Le contrat par­ti­ci­pa­tif ou “compte à demi”. L’auteur est invité à prendre en charge une par­tie du bud­get total du livre. L’éditeur fait ses cal­culs pour se déga­ger de tout risque finan­cier. Dans les faits, il est donc encore une fois pres­ta­taire de service.
  • L’auto-édi­tion : ici, l’auteur donne son ouvrage à un impri­meur qui pro­cède à une mise en page et lui réa­lise les exem­plaires. Le terme « auto-édi­tion » a de la classe, du lustre, mais le prin­cipe est le même que pour le compte d’auteur. Au lieu de prendre, comme par­te­naire tech­nique, un édi­teur, l’auteur prend un impri­meur. En géné­ral, l’objet qui en résulte est affreux : un édi­teur à compte d’auteur fait a priori un effort de cor­rec­tion et de mise en page. Un impri­meur, dans le même cas, met le fichier au for­mat final, et lance les machines. Le livre d’un auto édité se remarque tou­jours aux mêmes signes : son texte est bourré de fautes et, gra­phi­que­ment, l’objet est épou­van­ta­ble­ment laid.
  • L’impres­sion à la demande : il s’agit d’autoédition avec un robot pour seul inter­lo­cu­teur (site Internet). Le résul­tat est par­fois plus réussi que dans l’autoédition (au moins, la mise en page se fait sur des modèles pré­dé­fi­nis, réa­li­sés par un véri­table gra­phiste). Idéal pour impri­mer un livre en peu d’exemplaires, pour son propre usage. Mais il s’agit encore et tou­jours de compte d’auteur.

Quiz express : J’ai trouvé une mai­son d’édition qui fait tout en auto­ma­tique par Internet (envoi des fichiers, mise en page, impres­sion), les Éditions Farfaraway. J’ai créé mon iden­tité et mon pre­mier dos­sier livre. Durant le pro­ces­sus, le site me demande sous quelle forme je veux tou­cher mes royal­ties, le pour­cen­tage de droits d’auteur etc. Est-ce que ça veut dire que je vais enfin me faire plein d’argent ?

  1. Oui
  2. Non

Comment reconnaître une offre et un contrat à compte d’auteur ?

Allez sur le site de l’éditeur et véri­fiez plu­sieurs points :

  • Est-ce que son cata­logue ras­semble des livres sur tout et n’importe quoi, et de pré­fé­rence sur des sujets très per­son­nels ? (ex. : poèmes, sou­ve­nirs d’Algérie, mon com­bat contre une grave maladie…)
  • Est-ce que la mai­son a un nom ron­flant, est-ce qu’elle essaie de flat­ter votre ego, est-ce qu’elle vous parle ouver­te­ment béné­fices, pourcentages ?
  • (Si vous avez l’œil gra­phique) Est-ce que les cou­ver­tures res­semblent à un tra­vail de maternelle ?

Quiz express : Sur la page “Qui sommes-nous”, l’éditeur écrit que son équipe compte 2 per­sonnes. D’après son cata­logue, il publie une cin­quan­taine de titres par an. Est-ce une mai­son à compte d’auteur ?

  1. Oui
  2. Non
  3. Il y a de fortes chances.

Courage !

Quoi qu’on dise de l’édition “clas­sique” à compte d’éditeur, elle a un mérite : elle est une forme de recon­nais­sance de votre tra­vail d’écrivain. Publier un livre sous cette forme, c’est convaincre un pro­fes­sion­nel de prendre un risque sur vous.

Pensez‑y, au moment où, lassé des cour­riers de refus, vous vous tour­ne­rez vers l’édition payante : n’y a‑t-il plus rien à ten­ter pour votre texte ? Avez-vous écouté les sug­ges­tions qui accom­pa­gnaient cer­tains refus ? Ce texte, avez-vous vrai­ment tout fait pour l’améliorer ?

Quiz express : L’édition à compte d’auteur, c’est bien ?

  1. Oui ;
  2. Non ;
  3. Ça dépend de mon besoin ;
  4. Ça dépend de la mai­son d’édition ;
  5. Ça dépend de l’offre pré­cise qui m’est faite ;
  6. Oui, sauf si je me tourne vers elle par désespoir.

Réponses

2, 2, 2, 1, 2, 3, 3+4+5+6


Et vous, vous en êtes où avec le compte d’auteur ?

21 commentaire

  1. Eléa a dit :

    J’ai eu mon code haut la main ! Entendre par là que j’ai eu bon par­tout ^^. Deux ans que je me ren­seigne sur le sujet, en même temps.

  2. Norlane Deliz a dit :

    Ils s’en dis­tinguent par le contrat d’édition qui ne me demande pas d’argent. 🙂
    Ceci dit, j’ai l’impression que « édi­teur clas­sique » n’est pas une assu­rance non plus en ce qui concerne la pro­mo­tion. Une idée pour un nou­vel article ? Je trouve votre site très intéressant.

    1. Disons que c’est une petite assu­rance. Mais ici comme ailleurs, les attentes des auteurs et les pos­si­bi­li­tés des édi­teurs sont sépa­rées par un gouffre.

      Un article sur « édi­tion et dif­fu­sion » ? Pourquoi pas, en effet ! J’en prends très bonne note.

  3. Julien Lootens a dit :

    J’ai uti­lisé l’auto-édition (et d’après les réac­tions, le résul­tat est beau et sans fautes 🙂 ) pour un recueil de poé­sie illus­trée parce que dans ce domaine, l’édition est quasi-impos­sible. L’éditeur de mes deux autres livres est du genre fourre-tout et c’est à moi de faire connaitre mon tra­vail (comme d’autres édi­teurs, appa­rem­ment…) mais je n’ai rien payé. Comme ils ont un fonc­tion­ne­ment inter­net d’impression à la demande (peu com­pa­tible avec le sys­tème actuel des librai­ries), on les prend sou­vent pour une édi­tion à compte d’auteur alors que ce n’est pas le cas… Et je râle chaque fois que je croise une mai­son d’édition qui fait sem­blant d’en être une. Mais au final, si le livre est bon, peu importe de quelle manière il a été publié ?

    1. nicolas a dit :

      « on les prend sou­vent pour une édi­tion à compte d’auteur alors que ce n’est pas le cas » : je ne vois pas en quoi, dans votre exemple, ils s’en dis­tinguent, ma foi…

      Que le livre soit bon, voilà tout le pro­blème que j’essaie d’expliquer ici : l’édition à compte d’éditeur per­met d’en avoir une (maigre) cer­ti­tude ; par nature, le compte d’auteur n’en offre aucune.

      Mais au final, si le livre vous plaît, peu importe de quelle manière il a été publié. 😉
      C’est un prin­cipe fon­da­men­tal, que j’aurais dû mieux sou­li­gner dans mon article.

  4. Julien Lootens a dit :

    Article fort inté­res­sant ! Merci d’y avoir porté mon atten­tion. Il y a long­temps j’ai su résis­ter aux sirenes d’un compte d’auteur déguisé. Puis j’ai contacté quelques mai­sons d’édition lorsque j’ai eu ter­miné mon pre­mier ouvrage « Métro pari­sien, petits plai­sirs du soir et du matin », cela sans succes ( seule­ment 3 envois sélec­tifs depuis l’étranger). Pour autant, j’avais envie de défendre jusqu’au bout l’idée de mon livre et les mes­sages d’ouverture et de curio­sité au quo­ti­dien qu’il défend. J’ai donc choisi l’auto édi­tion (par le biais d’un impri­meur, qui ne fait abso­lu­ment pas de pro­messes de ventes, aucun com­men­taire sur le texte, pas de chants de sirenes…) et la créa­tion d’un site internet
    http://www.julienlootens.com
    ass­co­ciée a un compte Facebook professionel.

  5. elda a dit :

    C’est peut-être bien fina­le­ment, je suis édi­tée à compte d’éditeur et je n’arrive pas à obte­nir mes rele­vés de droits, à être payée et je ne sais même pas com­bien d’exemplaires ont été tirés, tout ça alors que j’ai signé un contrat.

    1. nicolas a dit :

      😉
      Avec un édi­teur à compte d’auteur, tu devrais te bagar­rer pour qu’il place tes bou­quins, honore les com­mandes libraires, envoie des SP etc. Et en auto-dif­fu­sion, tu devrais t’empoigner avec le libraire pour avoir des chiffres de ventes, pour être payée dans les délais conve­nus etc.
      Oups, je me rends compte que je ne te ras­sure peut-être pas des masses, là…

      1. kl a dit :

        Non, pas en pas­sant sur des pla­te­formes élec­tro­niques genre Amazon ou autre. On a les chiffres pré­cis, et on est tou­jours payé sans défaut.

  6. Ivan Greindl a dit :

    Bonjour à tous,

    Mon expé­rience avec cette société, offi­ciel­le­ment ’uni­per­son­nelle’, mérite d’être par­ta­gée, car extrê­me­ment néga­tive, au point d’avoir ten­dance à qua­li­fier son gérant, Mathieu Pasquini, … d’escroc.

    Qualité d’impression lamen­table (moins bonne qu’avec un prin­ter lase​r​à​400 €) ;
    cou­ver­ture pel­li­cu­lée qui gon­dole après 24 h ;
    … et dont la pel­li­cule se décolle ;
    cou­leurs des pho­tos non conformes à l’original ;
    pho­tos N‑B anor­ma­le­ment contras­tées, etc.
    Mais sur­tout, pro­messes men­son­gères, non tenues :
    mon ouvrage n’a jamais été dis­tri­bué à la FNAC ;
    le paie­ment des royal­ties, soi-disant men­suel par Paypal, n’a jamais été effec­tué. En fait, j’ai reçu un vire­ment ridi­cule après 19 mois de rap­pels, dont le mon­tant fan­tai­siste dépen­dait des
    « retours », des inven­dus, des exem­plaires abî­més, etc., — tous élé­ments par­fai­te­ment incontrôlables.
    Conclusion : une adresse à oublier.
    Cordialement,
    Ivan Greindl

    1. nicolas a dit :

      Pour le der­nier point, il est tota­le­ment incon­trô­lable, c’est vrai, mais tel est le cas chez tous les édi­teurs. La plu­part sont de bonne foi.

  7. mammicha 74 a dit :

    bon­jour,
    Depuis une quin­zaine de jours, » je viens de finir mon deuxième manuscrit
    « et ceci pen­dant plu­sieurs heures par jour je fouille votre site » pas à
    la recherche du temps perdu ! Nan pas ça !! Je me conten­te­rais de quelques
    madeleines !
    Mais com­ment écrire une Nouvelle ?? je vous ras­sure j’ai trouvé chez vous
    ce que je cher­chais depuis un moment, votre site foi­sonne de conseils
    pers­pi­caces et des idées sans fio­ri­tures, si toutes les maisons
    d’éditions pou­vaient vous démul­ti­plier et vous embau­cher ceci serait sans
    risque pour les écri­vains débu­tants. votre site une mine d’informations
    comme nulle part à ailleurs .Pour en reve­nir au sujet, moi aussi, j’ai
    par­ti­cipé au par­cours du com­bat­tant à la recherche d’une maison
    d’édition, quelques embûches et déboires plus tard. Un ami me conseille
    cette jeune mai­son d’édition à comp­teur d’auteur, et c’est là où je
    suis la plus heureuse,
    http://www.cockritures.fr/accueil/index.html
    merci
    à vous pour l’intérêt que vous nous por­tez, Merci éga­le­ment pour tous
    vos conseils.

  8. J’ai fait les deux, à titre per­son­nel et pro­fes­sion­nel. Et c’est avec l’é­di­tion à compte d’é­di­teur que j’ai vrai­ment été déçue, parce que j’ai cru obte­nir un sou­tien qui n’est pas venu. Un vrai trau­ma­tisme ! Avec le compte d’au­teur, je sais davan­tage à quoi m’en tenir. Ma pro­chaine expé­rience sera pour une plateforme.

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