Ce que vous allez apprendre dans cet article :
- Qu’est-ce que la « ligne éditoriale »
- Une excuse commode pour les refus d’éditer ?
- Comment la repérer chez l’éditeur
La ligne éditoriale, excuse d’éditeur ou vrai critère de sélection ? Mes conseils pour « repérer » une ligne, et vous adapter.
« Argh ! Encore un refus ! Les salauds ! ’Ne correspond pas à notre ligne éditoriale’, je t’en ficherais, moi, tiens, saleté d’éditeurs, grpf…
— Dis papa, c’est quoi la ligne éditoriale ? »
Partagé entre le désir d’envoyer bouler ma petite dernière, et celui d’aller pleurer dans mon coin, je choisis la solution simple : lui répondre.
Car oui, au fait : qu’est-ce donc que cette fameuse ligne éditoriale ?
La ligne éditoriale, une excuse facile
Tu vois, ma fille, je m’énerve parce que les maisons d’éditions te sortent toujours la même excuse : quand ils refusent ton livre, c’est parce qu’il ne colle pas à leur ligne. À chaque fois, quoi que tu leur envoies, c’est la même formule pourrie : « ne correspond pas à notre ligne. » Trop facile d’être éditeur, hein ?
Sauf que souvent, ce n’est pas une excuse : c’est la vraie raison ; la ligne existe, et ton texte est effectivement à côté de la plaque. Si ça t’intéresse, ma fille, je te conseille d’aller jeter un œil à mon article sur les courriers de refus.
Tu vas me dire – car je te connais, tu es rusée comme tous les gosses de dix ans – : « mais la ligne éditoriale, c’est quand même une excuse sympa si on ne veut pas dire à l’auteur que son texte est nul ? » À quoi je te répondrai avec un ricanement à peine voilé : « Mais la qualité est aussi un critère de ligne éditoriale ! »
Ligne de conduite, physionomie
Alors, qu’est-ce que cette fameuse différence entre « publiable chez-nous » et « merci-au revoir » ?
Il s’agit d’abord de la formulation de la ligne de conduite de l’éditeur. Toute entreprise a une stratégie, des objectifs, une cible, un esprit relativement identifiables. Le Mutant vend à la palette, Taittinger n’est pas en supermarchés etc. Eh bien l’éditeur, lui aussi, en tant qu’entreprise, doit se demander à chaque nouveau projet s’il restera lui-même en le publiant. Et le choix est parfois bien difficile, crois-moi…
La ligne de conduite n’a pas seulement une valeur interne : elle s’adresse aussi à la clientèle. La ligne, quand elle est claire, est ce qui identifie la maison et rend ses lecteurs fidèles. C’est un peu, à un moment donné, l’expression directe de ce qui se trouve dans la tête des lecteurs. Quand un éditeur te parle de sa ligne, il ne parle pas en son nom propre ni en celui de ses quelques salariés : il porte aussi la voix de tout son lectorat, c’est-à-dire d’une communauté de quelques centaines voire quelques milliers de personnes.
La politique du coup de cœur
Tout cela te paraît bien simple et évident, n’est-ce pas ma fille ? Alors viens par là et ouvre tes oreilles, car je vais maintenant rentrer dans le nébuleux.
La ligne éditoriale est plus difficile à formuler dans les petites et moyennes maisons. Parfois même, l’éditeur fait tout pour la dissimuler. Pourquoi ? Pas parce qu’il est malhonnête, mais parce qu’il a la trouille. Eh oui, formuler sa ligne, c’est prendre position. Et le petit éditeur vit dans le rêve de trouver LE manuscrit qui lui apportera un Nobel et la notoriété. Du coup, il préfère ne pas trop afficher ce qu’il recherche, et piocher dans ce qui vient.
Comment ? Des problèmes de crédibilité ? Bien sûr, ma fille, cette attitude peut parfois fortement fragiliser la crédibilité de l’éditeur.
Détecter la ligne
Ne crois pas, ma fille, que parce que l’on est l’écrivain, le créatif, on doit pouvoir faire n’importe quoi. L’on ne doit pas tirer parti du flou des éditeurs pour les inonder de toute notre production. Si nous sommes des gens responsables (et soucieux de leur porte-monnaie), nous devons compenser le manque de communication des éditeurs par plus de bon sens de notre côté, plus d’intuition.
Comment se présente une ligne éditoriale ? Ce peut être une déclaration d’intention, ou quelques phrases au fil de la présentation de la maison. Parfois, la ligne reste bien vague. Ce peut être une simple formule, un lot d’adjectifs, comme dans la maison dans laquelle je travaillais : « régional, optimiste et de qualité » ou « le plus parisien des éditeurs de (notre région) ».
Lorsque tu seras écrivain et que tu construiras ta campagne de soumission, tu essayeras, pour chaque éditeur, de renseigner les indications de ligne. Parfois, celles qui sont fournies ne t’aideront pas ; à toi de creuser. Si elles n’existent pas, trouve-les, à partir de l’historique, du catalogue et de tout ce que tu pourras observer.
Je finirai sur un petit jeu, ma fille. Je vais te donner trois adresses web de maisons d’édition. Tu vas aller les regarder, et tu vas me dire en trois mots, selon toi, quelle est la ligne éditoriale de chacune. Je te donnerai mes propres réponses à la fin de l’article. Tous les lecteurs de ce billet peuvent participer et qui sait ?, les éditeurs concernés viendront peut-être ici même nous en dire un peu plus…
NB : cette idée d’article m’a été donnée par l’affreux Oliv. Qu’il en soit ici remercié.
NB2 : Les exemples d’éditeurs ne sont pas choisis pour d’obscures raisons de buzz, mais avec la subjectivité la plus totale…
(Mes réponses)
- Érotique, pragmatique, moderne (finalement, ne va pas voir ce site, ma fille ! ! !)
- Genres variés, ton personnel, exigeant
- C’était un piège : il s’agit de compte d’auteur, donc sans aucune ligne éditoriale !
Tu veux jouer, mon fourmillant internaute ? Alors go !