Ce que vous allez apprendre dans cet article :
- Le parcours du manuscrit chez l’éditeur
- Les délais et leur explication
Les écrivains ont tous entendu parler du comité de lecture. Mais que se passe-t-il exactement pour votre manuscrit une fois qu’il arrive chez l’éditeur ?
Nous avons vu récemment comment votre manuscrit devient un livre. À présent, concentrons-nous sur une étape encore plus mystérieuse du parcours : le cheminement de votre projet, depuis sa réception jusqu’au courrier fatidique. Ces quelques mois au bout desquels l’éditeur décidera si oui ou non, il « fait » votre livre.
Réception
Le courrier entrant est dépouillé par une secrétaire ou une assistante. Lorsqu’il s’agit d’un manuscrit, celui-ci est tout de suite enregistré, pour que votre interlocuteur, chez l’éditeur, puisse vous répondre si vous l’interrogez sur les délais. La personne qui ouvre le courrier vérifie que vos coordonnées figurent bien sur l’envoi.
Durée : 1 semaine maximum après l’envoi
Dispatching
Le manuscrit est placé dans une file d’attente (plus prosaïquement : une pile. Par terre. à côté des 1292 autres piles).
Parfois, il est sommairement dirigé vers un service ou une collection spécifique, d’après les indications que vous avez données dans votre envoi.
Durée : /
Première lecture
Votre texte passe en lecture chez l’éditeur ou un directeur de collection. Cette première approche lui permet de décider si le texte l’intéresse ou non.
Durée : 2–3 semaines [1]
« Est-on lu par les éditeurs ? » demandent souvent les jeunes auteurs. Il est vrai que le cliché est tenace : à en croire la sagesse populaire, les gens qui font métier de publier des ouvrages ne se donneraient pas la peine de les lire. C’est faux, croyez-moi : il y a toujours, dans la chaîne du livre à compte d’éditeur, quelqu’un qui vous lira.
Cela dit, le terme de « lire » n’a pas forcément le même sens pour eux et pour vous. La « lecture rapide » (que l’on appelle péjorativement « lecture en diagonale ») est un moyen de prendre connaissance d’un texte sans y passer des heures. Pourquoi aller vite ?
- Le volume des manuscrits en attente est souvent monstrueux. Si l’éditeur veut rester à jour (et ainsi vous répondre dans un délai raisonnable), il est obligé d’adapter sa méthode de travail. Voilà pourquoi je vous conseille une fois encore de bien sélectionner vos éditeurs prospectés : n’inondez pas toute la profession de boulot inutile.
- Le lecteur lit vite, lui aussi. Ainsi que le journaliste, le libraire… Si un texte ne se « défend » pas devant l’éditeur, il aura peu de chances face à l’œil acéré des autres membres de la chaîne du livre.
- Contrairement à ce qu’on pense en général, un bon et un mauvais texte se distinguent très vite à la lecture. Croyez-en mon expérience : s’entêter à lire quelque chose de mauvais, pour espérer être surpris, est une perte de temps.
Et pour le compte d’auteur ? L’éditeur à compte d’auteur ne lira pas forcément votre manuscrit (notamment dans le cas de sites d’impression à la demande). Ce n’est pas de l’escroquerie : ce type d’éditeur étant un simple prestataire de services, il n’a aucun intérêt particulier à votre texte. En revanche, s’il se met à vous complimenter, méfiez-vous : il vous flatte pour vous vendre la prestation hors de prix.
Comité de lecture
Votre texte est soumis successivement à quelques lecteurs ; ce sont soit des salariés de l’entreprise, soit des professionnels extérieurs, soit des écrivains « piliers » de la maison, qui font l’honneur de leurs avis à l’éditeur.
L’objectif du passage en comité de lecture ? Valider que votre projet correspond bien à la ligne éditoriale.
Durée : 3–4 semaines
Complément de lecture
Parfois, l’éditeur peut avoir besoin d’avis plus spécialisés (ex. : « ce texte jeunesse n’est-il pas trop cru ? ») Il cherche alors dans son carnet d’adresses un spécialiste (pour rester dans le même exemple : enseignant, psychologue) afin d’obtenir une opinion plus fiable que la sienne.
Durée : 3–4 semaines
Décision
Le manuscrit est refusé ? Il est placé dans la « case retour » avec des indications de réponse. La secrétaire se chargera de rédiger le courrier de refus, puis de renvoyer le texte s’il est réclamé.
Durée : 1 semaine
Et si votre texte est retenu, la grande aventure commence… Mais c’est une autre histoire.
Un service bien rôdé
Comme vous le voyez, le système est assez bien pensé et prévoit tous les cas de figure. [2]
Pour conclure, j’aimerais tout de même préciser une chose qui va peut-être vous choquer : le temps que l’éditeur accorde à votre manuscrit n’est pas un droit qu’il vous doit, c’est un devoir qu’il s’impose. Il doit à ses lecteurs, à sa société, de chercher des textes nouveaux. Mais il peut rejeter un texte en particulier, sans avoir besoin de se justifier.
Gardez à l’esprit que vous venez à lui en solliciteur.
S’il vous ignore, si vous avez l’impression qu’il a fait le service minimum, tant pis… pour lui !
Et voilà, petit internaute taquin… Et toi, quels ont été les délais de réponse, dans ton cas ?
[1] Les durées indiquées sont des temps minimum idéaux. Elles peuvent varier pour de nombreuses raisons, à commencer par le moment de l’année. Comme je le dis ailleurs, les livres à paraître sont toujours plus urgents que les projets potentiels.
[2] Le fonctionnement qui est décrit ici est relativement standard. Selon la taille de la maison d’édition, comme toujours, les tâches peuvent se répartir différemment entre les intervenants.
Dans les différents conseils qu’on peut lire ici et là sur la soumission du manuscrit à l’éditeur, on voit souvent celui ci : mettre une enveloppe timbrée pour le retour. Alors ma question peut paraître idiote, mais je ne vois pas trop l’intérêt pour l’instant. La plupart des éditeurs, apparemment, détruisent les manuscrits non retenus au bout d’un temps variable (ou me trompé-je ?).
D’accord, quand on passe 1 heure à imprimer 340 pages et qu’on renouvelle l’expérience deux fois ou plus en fonction du nombre d’éditeurs choisis, puis qu’on calcule le prix de l’encre, du papier et de l’envoi par la Poste, ça fait une petite somme. Mais n’est-ce pas le prix à payer, un investissement nécessaire ? Les recruteurs, du moins les français, ne nous renvoient jamais notre lettre et notre cv (j’en sais quelque chose, je travaille dans le domaine). Bon, les recruteurs suisses le font plus volontiers, mais il est vrai que les dossiers de candidature sont beaucoup plus épais et qu’on parle là de chômeurs qui ne sont pas censés rouler sur l’or.
Idem, certains éditeurs ont la gentillesse de préciser sur leur site qu’on ne doit jamais envoyer l’original de notre manuscrit. Mais si on est un peu rigoureux et prudent, on sauvegarde notre manuscrit sur disque dur, quitte à faire une deuxième sauvegarde sur une clé USB, non ?
Voilà, j’espère que vous pourrez éclairer mes lumières, car il y a peut-être des paramètres auxquels je n’ai pas songé.
Votre question en comporte plusieurs.
D’abord, il faut bien distinguer ce qu’est un original de manuscrit. A l’ère informatique, beaucoup de manuscrits sont crées directement sur ordinateur, mais il y a encore quelques dinosaures qui écrivent à la main puis qui font (ou font faire) laborieusement la saisie. C’est à eux que s’adresse la précision habituelle « pas d’originaux SVP ».
Le coût d’impression d’un CV est bien moindre que celui d’un « manuscrit » (tapuscrit). Il peut être intéressant pour l’auteur de chercher effectivement à récupérer l’exemplaire. Surtout au bout de quelques refus…
L’« investissement nécessaire » (et symbolique) est une question entre vous et vous-même. Mais attention à ne pas vous faire piéger par vos propres raisonnements : moi, j’ai bien l’impression que vous ne voulez pas joindre d’enveloppe timbrée, de peur de donner à l’éditeur les armes pour vous refuser… Si c’est le cas, rassurez-vous : sa décision ne sera pas influencée par la présence ou non de l’enveloppe retour. S’il ne veut pas vous publier, et qu’il n’y a pas d’enveloppe, il vous demandera simplement des timbres ; s’il ne reçoit rien, il détruira votre manuscrit.
Dans le doute, vérifiez toujours ce que demande la maison, et où elle en est par rapport aux retours des manuscrits refusés. Certains éditeurs (les plus novices) ne demandent rien. Ceux qui ont quelques années de vol, et un budget courrier qui explose, demandent systématiquement les moyens de retourner l’envoi…
« Le coût d’impression d’un CV est bien moindre que celui d’un « manuscrit » (tapuscrit). Il peut être intéressant pour l’auteur de chercher effectivement à récupérer l’exemplaire. Surtout au bout de quelques refus… »
Mais qu’est-il advenu de notre manuscrit ?
Si on l’a imprimé selon les règles que vous prônez (et vous n’êtes d’ailleurs pas le seul), nous avons au préalable laissé une vaste marge pour que l’éditeur puisse commenter à sa guise. Notre joli manuscrit est donc peut-être parcouru de notes, commentaires et autres corrections, et par là, je pense « inenvoyable » à un autre éditeur en l’état.
Et personnellement, je me vois assez mal envoyer un manuscrit criblé de petits mots à droite à gauche à un autre éditeur.
A moins que l’étape des corrections n’intervienne qu’une fois notre manuscrit lu et accepté pour une édition à venir ?
Merci pour ces petites précisions, il est vrai qu’on a tendance à oublier que certains auteurs ont commencé (et continuent par habitude ou par préférence) avec d’autres outils que l’informatique. Quant à ma peur d’être refusée, je n’en suis pas sûre mais j’y réfléchirai, (quoi que de toute façon je pars du principe qu’ils vont me dire non, comme ça je ne suis pas déçue) mais je crois surtout que si j’estime nécessaire de payer pour l’envoi d’un manuscrit, dépenser pour un retour me parait inutile. C’est vrai, c’est donc entre moi et moi (oui c’est paradoxal)
Mais quoi qu’il en soit, vous avez raison, toujours aller voir sur le site s’il y a des précisions pour l’envoi de manuscrit.
« toujours aller voir sur le site s’il y a des précisions pour l’envoi de manuscrit » Je le répéterai toujours : renseignez-vous. Un éditeur qui voit que l’on s’intéresse à lui, à ce qu’il demande, est déjà un peu conquis !
Eh oui, l’éditeur s’interdit en général de travailler sur un manuscrit tant que l’auteur n’est pas « signé ».
Je vous conseille de lire cet article pour les questions de présentation de manuscrit :
https://ecriture-livres.fr/comment-publier/envoi-d-un-manuscrit-trucs/
J’ai deux petites questions (blog vraiment passionnant, au passage). D’abord, dans quel format doit-on imprimer son texte (pour faciliter la lecture de l’éditeur) ? Ensuite, j’ai lu quelque part que les lecteurs-découvreurs et les lecteurs-correcteurs pouvaient être des étudiants : comment devient-on lecteur ? Merci d’avance.
Pour la première question, je vous renvoie à un de mes premiers articles sur
https://ecriture-livres.fr/comment-publier/envoi-d-un-manuscrit-trucs/
: la règle d’or est de faire comme l’éditeur le demande…
Pour ce qui est des lecteurs, oui, les « découvreurs » sont parfois des étudiants, surtout dans les grosses maisons parisiennes. C’est d’ailleurs une pratique assez curieuse, si on se dit qu’une maison d’édition devrait s’accrocher de toutes ses forces à sa ligne éditoriale, à son identité, et que, finalement, lire des textes est la partie la plus chouette du métier. Qu’un éditeur renonce à ce pouvoir, et qu’il le délègue à des gens qu’il connaît à peine, qui n’ont aucune connaissance du catalogue et qui sont juste là « en viste », cela me dépasse complètement.
Certains éditeurs sont même spécialisés dans l’exploitation d’armées de stagiaires. Ceux-ci, tout contents d’avoir des manuscrits à lire, oublient qu’ils effectuent là un travail, et que l’éditeur économise beaucoup d’argent par cette exploitation consentie…
Le reste des « lecteurs » (= membres de comité de lecture) sont des directeurs de collection, de vieux auteurs de la maison, des spécialistes habitués de ce qui s’y publie. Ils effectuent cette tâche à titre honorifique.
Les correcteurs internes sont peut-être parfois des étudiants, mais une maison sérieuse ne procédera pas de cette façon. Correcteur est un métier, qui se pratique en interne ou en externe. Il ne suffit pas d’avoir une bonne orthographe pour savoir corriger un texte…
Un auteur qui a été publié (à compte d’éditeur) après avoir été refusé cent-soixante fois :
(lien mort)
Oui, je connais cette « curiosité » qui circule sur les blogs littéraires.
Je suis pour ma part loin d’être convaincu que l’auteur en question n’a pas grandement perdu son temps.
Pour que la démonstration ait de l’intérêt, il lui faudrait nous prouver que toutes les maisons démarchées avaient une collection correspondant à ce type de texte… Je vois là D’un Noir si Bleu, Mon Village, l’Atalante n’ont pas vraiment de point commun…
Merci pour votre blog particulièrement intéressant !
Si j’ai bien suivi votre article, le manuscrit passe d’abord par le directeur littéraire PUIS par le comité de lecture ?
Je pensais que c’était le contraire : que d’abord un premier écrémage était fait par le service des manuscrits puis que les rescapés allaient en comité de lecture et enfin s’ils passaient l’épreuve, qu’ils se retrouvaient sur le bureau de l’éditeur.
Merci par avance !
Bonne soirée !
Effectivement, le fonctionnement peut aussi être inverse entre comité de lecture et directeur de collection. Cela dépend je pense de la taille de la maison, du prestige des intervenants (directeur de collection/lecteur du comité) et éventuellement… de celui des deux qui traîne dans les couloirs quand le manuscrit arrive.
Salut. Très intéresant le blog ; merci pour les infos. Il y a environ 4 mois que j’ai achevé mon premier roman (le 3 avril précisément). Un mois plus tard je l’ai envoyé chez PLON et chez ALLIA (ici, grace à la suggestion d’un prof qui enseigne à Paris). Soulignon avant tout que je suis camerounais, et que je réside à Trente, en Italie. Donc, PLON m’a répondu après un mois et demie, à peu près en ces termes : « votre manuscrit, malgré sa qualité, ne rentre dans notre ligne éditoriale ». C’est vrai que des amis m’ont dit que si l’éditeur avait parlé de qualité, c’est qu’il y en avait, tandis que moi je me disais que c’était juste de la politesse. Bref, ça fera bientot 3 mois (c’est-à-dire vers début Aout) que j’attends la réponse d’ALLIA. Est-il vrai que plus l’éditeur « traine » plus ça augure quelque chose de positif ?
Je regrette de n’avoir pas vu ce blog avant d’envoyer mon manuscrit ; j’ai commis quelques erreurs (comme ne pas joindre une lettre d’accompagnement au manuscrit, ou encore ne pas choisir une maison de façon plus pertinente). Merci en tout cas…
Effectivement, ce peut être bon signe ; ou plus précisément : ceux qui répondent tout de suite peuvent vouloir vous vendre un compte d’auteur. Ceux qui prennent leur temps, sont ceux qui prendront des risques.
Il y a quelques jours, j’ai envoyé mon roman dans 5 maisons d’édition différente.
Le projet peut-il être accepté puis corrigé ? Par corrigé, j’entends des modifications de certaines phrases, approfondir plus un paragraphe etc.
Puis, dans la lettre que j’ai transmis avec, je n’ai expliqué que de manière très brève l’histoire. Est-ce un soucis ?
Merci.
Je vous invite à lire les articles de ce blog, qui répondent à toutes vos questions. 🙂
En gros : ce n’est pas à l’éditeur de « nettoyer votre texte, même s’il fera forcément une lecture de correction.
Le courrier d’accompagnement n’est pas censé raconter l’histoire.
Bonjour,
votre blog est une véritable mine de cobalt, je vous remercie.
Je souhaitais avoir votre avis sur le délai, j’en suis à ma troisième semaine d’attente auprès de maisons d’édition. Pour vous j’en serai à la première lecture par le directeur de collection, c’est bien cela ? Est-ce possible que ce soit une autre étape ?
Par ailleurs, j’ai reçu à la deuxième semaine un refus m’indiquant que je correspondais pas à la ligne éditoriale d’une maison… Je pensais avoir bien vérifié leurs publications au préalable… sauf qu’à posteriori j’ai remarqué que pas du tout… je ne pense pas avoir la même « ligne » que PatriIIIIiiiick Bruel par exemple (entre autres célébrités…)… sans jugement de valeur ‑que je garde pour moi-…
Mais du coup, ils ont jugé mon livre sur la ligne éditoriale au bout de deux semaines seulement… ce devait être flagrant pour eux !
Dans l’attente de vous lire,
A bientôt,
Effectivement, la décision n’a pas traîné.
Trois semaines, c’est encore assez court. Votre texte est à ce stade chez un responsable éditorial, oui. Selon la période de l’année et la taille de la maison, le délai peut beaucoup se rallonger…
Bonjour monsieur Kempf – j’espère que vous allez bien. J’ai pour ma part une question stupide et minuscule, mais de taille : la politesse empêche-t-elle que l’on téléphone à la maison d’édition, pour avoir une idée des délais si ceux-ci ne sont pas indiqué sur son site ? Merci, et bien à vous,
Certains éditeurs ne font plus figurer de délais par écrit, pour ne plus qu’on leur reproche de traîner…
Doit- on, payer pour ce faire éditer. Merci pour votre réponse . Salutations .
https://ecriture-livres.fr/ou-publier/contrat-a-compte-d-auteur-bien-ou-mal/