Ce que vous allez apprendre dans cet article :
- Les domaines examinés
- Quelques points d’amélioration
Comment travaille un conseiller littéraire pour la relecture de texte ? Voici une liste de points que je vérifie lorsque je relis un manuscrit.
Il est temps de vous dévoiler un de nos outils de travail à nous, spécialistes du conseil éditorial : la check-list ou grille de relecture. C’est un des moyens que nous nous donnons pour évaluer un texte.
L’analyse de cette grille nous permet ensuite de définir le profil de l’écrivain, et de le conseiller sur ses priorités de travail.
Il existe d’autres outils, dont je vous parlerai peut-être un jour. Et si vous voulez en savoir plus sur mon agence pro, c’est ici : Ecri-Sphère.
Checklist de relecture
Style
- Concordance des temps
- Clichés
- Pronoms sans maître
- Relatives imbriquées
- Trop de verbes (constructions avec infinitifs)
- Trop de forme passive
- Faux-sens, impropriétés
- Registre
- Trop d’adjectifs
- Trop d’auxiliaires
- Vague (« ça faisait comme des » « quelque chose de », « un peu »)
- Le tout-« petit », le tout-« grand »
- Phrases non verbales
- Lourdeurs
- Tournures fétiches
- Répétitions
- Orthographe illisible
- « et », « mais », « ça », « c’est »,
Personnages
- Réactions outrées
- Personnages stéréotypés
- Personnages mal caractérisés (buts, différences, motivations…)
Cohérence
- Obscurités
- Inconséquences (untel blessé au bras puis souffre de la jambe…)
- Anachronismes
- Impossibilités, incohérences temporelles, spatiales
- Impossibilités, incohérences psychologiques
- Impossibilités, incohérences sociales (richesse, préoccupations, temps libre…)
- Personnification (l’inerte, l’animal qui éprouve des sentiments)
Mesure dans les effets
- Trop de métaphores
- Lyrisme convenu (style pompier)
- Abus de digressions, grandes théories
- Trop de background
- Épate
- Trop de détails (types de vêtements, couleurs, nuances techniques)
- Cabotinage, gratuité
Narration
- « Chorégraphie » (dans la pièce, qui est où, fait quoi, va où)
- Complexité des locuteurs (pensées, discours rapporté en pensée…)
- Chronologie confuse
- Ellipses non décrites
- Traitement des scènes trop léger (pas d’exposition, de point d’orgue, de fin)
- Scènes inutiles (redondantes)
- Dialogues inutiles (dialogues de sourds, notamment dans l’exposition)
- Scènes qui finissent trop tard
- Scènes qui finissent trop tôt
- Scènes attendues mais manquantes
- Présentations de personnages manquantes
Scénarisation
- Exposition trop rapide
- Explications manquantes
- Portes mal refermées (à ne pas confondre avec une fin ouverte type « Master and Commander »)
- Fil du récit indiscernable
Certains termes de cette grille, mon internaute adoré, te semblent peut-être un peu cryptiques ? Tiens, voyons un peu comment tu les comprends !
Très très bonne cheklist !
Si dans l’avenir, je dois donner une liste de choses à faire où ne pas faire lorsqu’on écrit, maintenant, je partagerais votre article :).
Juste ce point qui me fait tiquer un peu : « Présentations de personnages manquantes » (mais pas beaucoup tout de même)
Je trouve que parfois, dans certains cas exceptionnelles, un personnage peut-être présenté plus tard, voir même pas du tout pour augmenter la rapidité du récit et ne pas casser une scène d’action. A moins que vous ayez un conseil sur ce point en particulier afin de garder le lecteur dans le rythme tout en amenant un nouveau personnage lors d’un combat par exemple ?
Merci pour ce partage qui concerne quand même votre outil de travail et que d’autres auraient jalousement gardé.
Il me semble que tout personnage nouveau mérite deux-trois lignes de description. Chacun le fait d’ailleurs en général sans y penser. Il y a d’ailleurs toutes sortes de moyens d’intégrer la courte présentation du personnage dans l’action…
Quant au partage : je suis heureux de pouvoir aider un peu. Évidemment, pour quelque chose de plus approfondi et personnalisé, une liste n’est pas suffisante 😉
Merci pour cette liste qui me sera très utile !
Je vais l’approfondir et l’adapter selon le genre de mes écrits.
A bientôt, Fred
N’hésite pas à témoigner de tes expériences sur cette page !
Oh ! J’aime cette liste, on dirait ma liste de corrections 😉 (en plus complète et mieux formulée)
Et le terrible 12… Je m’en suis rendu compte il y a bien 4 ans, tout chez moi était « petit ». C’était devenu une vraie blague à la réécriture de « Forfait illimité* », à chaque fois que j’en repérais un je disais : « Mais pourquoi petit ? Il a pas besoin d’être petit le bonhomme, objet, sentiment… »
Oui, je ne sais pas d’où vient ce réflexe du « grand » et surtout « petit ». A rapprocher peut-être des débutants dans l’art du dessin, qui ont tendance à composer en tout petit, alors que pour apprendre le geste, il faut s’étaler sur la feuille… ?
Je suis plutôt soulagée de voir que j’ai l’oeil (plus ou moins) sur la quasi totalité de ce qui est écrit. Je n’avais pas de liste claire et identifiée, maintenant c’est fait… et je crois que ça va me servir avant tout pour relire mes propres textes !
Merci !
elle va bien m’aider pour le prochain roman, quoiqu’elle me paraisse en première lecture plutot décourageante !… est ‑on capable de tout vérifier soi-même ? ou sommes nous trop proches de notre scénario pour en apprécier tous les pièges ?
Pour ce point comme pour beaucoup d’autres, la clé est le temps. Si vous relevez beaucoup de ces problèmes, faites plusieurs relectures, en faisant à chaque fois la chasse à 2–3 problèmes, pas plus…
Et pourtant dans certaines histoires intrigantes le fil de l’histoire peut se dévoiler plus tard, voir même à la fin du récit , laissant le lecteur dans une incompréhension curieuse.
Le dénouement est en général tout à fait inattendu dans ce cas. La difficulté de l’écrivain étant de ne pas se perdre…
Bien sûr, c’est une façon possible de raconter… Je ne mets rien de tel parmi les problèmes de la check-list, il me semble.
Wahou…ouch ! Voilà ma réaction à ce billet.
Premièrement merci. Merci de nous donner ces indications simples, mais vraiment pas inutiles à mettre en lumière. Je suis persuadé que cela m’aidera dans l’écriture de mon roman. Je n’avais d’ailleurs jamais envisagé certains points comme « chorégraphie ». C’est fou comme, à la réflexion, ceci peut paraître important alors que je n’y avais jamais songé.
Ensuite ouch ! Eh oui, de voir tous les points à éviter forcément ça me remet à ma place.
J’écris dans le but de faire sortir toutes ces idées de ma tête et de pouvoir les partager avec tout monde. Faire découvrir des histoires aux gens. Malheureusement je n’ai aucune autre formation que mes nombreuses lectures. Autant dire un paquetage assez léger avec moi que j’ai tendance à oublier. Ce n’est pas une mauvaise chose, non, mais se le faire rappeler me ramène sur Terre. Cela me permet de me souvenir que si je veux vraiment que les gens découvrent mes histoires de la même manière que moi, j’ai encore du travail à faire.
La route à parcourir est, certes, effrayante, mais votre magnifique blog me permet d’en discerner quelques pavés. Pour cela, je vous remercie énormément.
Merci à vous.
Je rappelle qu’il s’agit d’une liste qui nous sert, à nous, devant un texte inconnu.
Tous les textes ne présentent pas tous les défauts, et heureusement !
Ne tombez pas non plus dans une sorte d’hypocondrie de l’écriture, qui consisterait à voir dans vos textes tous les défauts du monde…
interessant mais assez nébuleux quand même ^^
« Personnification (l’inerte, l’animal qui éprouve des sentiments) » m’a interpellé. En quoi c’est un problème ; à moins que ce soit pris au premier degré ? Parce que j’adore écrire des métaphores filés en « individualisant » différentes parties du corps par exemple.
Et ça veut dire quoi « Relatives imbriquées » svp ?
Il se trouve que « faire parler/ressentir » des entités qui ne le devraient pas est assez risqué. Je le perçois comme une facilité d’écriture, notamment quand ce genre de personnifications s’accumule. « Le soleil souriait à leur bonheur, la campagne semblait leur dire « Vive les mariés »… » C’est quelque chose qui a été une bonne idée, un jour, autrefois… et maintenant, c’est juste un automatisme, un réflexe. Comme tous les réflexes, l’écrivain doit le questionner.
Les relatives imbriquées sont un problème de construction logique. Une proposition relative est subordonnée à la principale, nous sommes d’accord ? Mais pour que ce que vous dites reste clair (et élégant), il ne faut pas subordonner une proposition à la subordonnée. Dans la même phrase, il ne peut y avoir que deux niveaux de hiérarchie.
Exemples de mauvaise construction (avec difficulté de détection croissante) :
« Yvette prenait le bus 31, qui l’amenait à la piscine, qu’elle trouvait trop froide en hiver. »
« Cet homme, dont je ne me rappelle pas le nom, que j’ai pourtant noté sur un bout de papier… »
« Jean-Claude a toujours aimé les raviolis, surtout ceux qui ont le goût de cette viande que l’on mange en Asie. »
Moyens basiques d’y remédier :
« Yvette prenait le bus 31 ; celui-ci l’amenait à la piscine, qu’elle trouvait trop froide en hiver. »
« Cet homme (je ne me rappelle pas son nom, que j’ai pourtant noté sur un bout de papier)… »
« Jean-Claude a toujours aimé les raviolis. Il préfère, de loin, ceux qui ont le goût de cette viande que l’on mange en Asie. »
Est-ce plus clair ?
Merci beaucoup pour la publication de cette liste, qui est en effet très pertinente !
Cependant aux yeux des néophytes beaucoup de termes sont assez obscur, pensez-vous qu’il vous soit possible un jour de développer par exemple les points qui font le plus souvent défaut à un texte dans votre liste ?
Merci pour votre site en tout cas, et pour votre générosité en mettant vos connaissances au service des auteurs angoissés !
Les explications sont prévues au fil des articles à venir. Malheureusement, comme vous le voyez, j’ai dû laisser un peu ce blog de côté. Restez à l’affût, je n’ai pas dit mon dernier mot !
Bonjour et grand 🙂 merci pour votre travail !!
Que pouvez-vous me conseiller pour diminuer le nombre de « je » dans un livre témoignage ?
merci
Je ne comprends pas bien la question : il faudrait préciser. En quoi consiste le trop de « je » ? Dans un livre-témoignage, il est difficile de faire sans…
Tiens, je n’avais jamais lu cette liste, bien contente de tomber dessus alors que je suis en pleine phase de correction/réécriture de mon premier roman !
Personnellement lors de ma phase de correction je me sers aussi de ma « story bible », un dossier où je rassemble des fichiers dédiés :
– à mon univers (un doc par pays, voire par culture inventée pour mon histoire).
– à mes personnages : un doc par personnage où je rassemble descriptions physiques, mais aussi dialogues et actions importantes. C’est utile pour garder une trace de l’évolution du personnage et vérifier qu’il ne reste pas statique, mais aussi qu’il ne trahit pas son propre caractère.
– à mon histoire : un doc où l’histoire est résumée chapitre par chapitre avec une liste des personnages présents, comme ça je peux vérifier rapidement que le rythme est assez soutenu mais aussi que je « n’oublie » pas de personnage.
C’est le genre de dossier à constituer au fur et à mesure de l’écriture, mais ça permet de gagner beaucoup de temps à la correction. Peut-être que ce n’est pas utile pour les petits projets (le mien fera 5 ou 6 tomes, oui je sais c’est bien trop ambitieux, mais bon je m’en mordrai les doigts en présentant mon premier tome à des éditeurs)…
Après je n’avais rien pour l’écriture elle-même, pour ce qui est de la grammaire et de la syntaxe. Donc je rajoute ça à mes outils, merci !
Et moi je prends bonne note de ce système de story bible. Merci !
J’ai un roman en bibliothèque. Je l’ai fait publié à compte d’auteurs. J’en ai un autre d’écrit qui attend la révision chez un éditeur potentiel. De plus, un troisième que je suis à recorriger et ce seconder par un correcteur amateur. Entre temps j’ai commencé un autre travail. Sans mentionner le fait que je m’apprête à revoir un manuel de poèmes écrit aux premières heures de mon intérêt pour l’écriture, sois il y a plus de 17 ans. Il m’aurait été très utile de lire cette liste avant tous mes travaux qui actuellement me désespèrent un peu. La tâche de réécrire est immense. Devrais-je laisser ce qui est en attente et me remettre à un nouveau projet ? Merci du conseil.
L’important est surtout de s’organiser, pour que chaque relecture soit efficace. C’est un principe général de la conduite de projet : on ne revient pas sur une étape validée, et chaque étape découle des précédentes.
Si vraiment vous n’y arrivez pas, ou si vous avez besoin d’un programme sur mesure, pensez aux conseillers littéraires…
Bonjour Nicolas. Très instructifs ces articles. Et merci encore pour tous tes conseils. Personnifier est risqué… Une facilité d’écriture… c’est ainsi que tu le perçois en tout cas. Personnifier un paysage, par exemple, ne permet-il pas de donner une foule d’informations sur l’état d’esprit de l ‘auteur, sans forcément parler de « ciel qui sourit » ? Et même au passage d’avoir un « point de vue », justement à partir de cette personnification ?
Hello, je ne sais pas si l’état de l’esprit de l’auteur doit être transmis sciemment ; celui des personnages, plutôt ? Mais l’élégance voudrait que la description de l’environnement ne soit pas, justement, un décalque de l’esprit des personnages ; autrement, on retombe assez vite dans « Il a le spleen/il se balade au vent mauvais », « il est joyeux/les oiseaux chantent » etc.
Je me demande juste où peut rester la créativité et la possibilité d’innovation.
Pour moi, c’est bien trop guidé pour permettre l’éveil littéraire. Avec votre liste, beaucoup de styles en dehors de marges n’auraient jamais émergés. Ca me fait plutôt penser à un guideline pour roman standardisé, conventionnel.
Après on peut se poser la question de l’origine et du choix des dites conventions.
Mais je resterai plutôt sur le comment favoriser la créativité !
La création, si elle ne se donne aucune règle, reste une impasse : elle ne plaît qu’à son auteur.
Bonjour.
Je viens de découvrir votre site que j’apprécie énormément. et qui est très utile. En particulier cette check-list qui est très détaillé. J’ai trois remarques qui concernent le style. Vous dites faire la chasse à l’excès d’auxiliaires. Je le comprends très bien, car c’est la facilité et l’imprécision. Mais il faut peut-être nuancer en précisant que la considération n’est pas la même quand il s’agit de l’utilisation des auxiliaires dans la conjugaison des verbes (ex : le passé composé). L’autre point concerne la chasse aux « c’est ». Là-aussi, il faut, je pense, préciser que cela concerne la narration, et pas nécessairement les dialogues qui, si l’on veut se rapprocher de la réalité, font l’impasse sur la qualité grammaticale et n’hésitent pas à être redondants ou répétitifs. Enfin, concernant les phrases non verbales, il faut, certes, ne pas en abuser, mais elles peuvent avoir un intérêt quand il s’agit de donner un rythme plus soutenu ou plus percutant.
Cordialement
Bien sûr, les auxiliaires sont indispensables dans les temps composés ; mais dans ce cas, j’essaie d’être encore plus draconien concernant les verbes faibles non imposés par la grammaire.
Quant aux dialogues, restons lucides : un dialogue dans la fiction ne sera jamais identique à un dialogue réel capté dans le métro ou à la maison ; même pour un personnage qui parle familièrement, on essaiera de faire varier ses tournures, d’éviter ses répétitions, les bouts de phrase qui servent juste à ponctuer à l’oral…
Les non-verbales : là aussi, parler du dosage nous emmènerait dans des débats sans fin. Comme tout procédé, plus il est rare, plus il a de l’impact…