Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • Faire la part des idées reçues sur le conseiller littéraire
  • Savoir qu’at­tendre de votre conseiller

Un point sur ce métier méconnu de conseiller lit­té­raire : de quoi s’a­git-il, et en quoi ces pro­fes­sion­nels peuvent-ils vous aider ?

Voici un moment main­te­nant que je conseille de jeunes auteurs (jeunes en écri­ture, hein !) pour amé­lio­rer leurs textes, et aug­men­ter leurs chances de se faire édi­ter.

Le métier de conseiller en écri­ture n’est pas tou­jours bien com­pris, ce qui est source de décep­tion pour tout le monde. Car, croyez-le ou pas, notre seul objec­tif est de vous aider… mais pas n’importe com­ment.
Pour vous don­ner une idée de la puis­sance de feu des conseillers en écri­ture, et autres conseillers lit­té­raires, j’ai col­lecté les prin­ci­paux cli­chés qui cir­culent à notre sujet. Les voici, avec pour cha­cun un petit reca­drage. N’hésitez pas à inter­ve­nir à la suite de ce billet : vos remarques, ici comme ailleurs dans le blog, sont pour moi inestimables.

Suivre vos conseils…

… c’est déna­tu­rer son texte.
Vous êtes peut-être un peu trop sûr de la valeur abso­lue de votre texte. La majeure par­tie des manus­crits qui arrivent dans une mai­son d’édition sont reje­tés car ils s’avèrent mal fichus, illi­sibles ou sopo­ri­fiques. Ce sont là des cri­tères abso­lus, uni­ver­sels, qui n’ont rien à voir avec l’originalité de l’idée ou de la forme.
Nous vous aidons, avant tout, à déce­ler ce qui affai­blit votre texte ou votre démarche. Nous n’a­vons rien à dire sur ce que vous avez envie de dire, de défendre. Nous vous aidons à « pres­ser le citron » jusqu’à la der­nière goutte.

Allégorie du Conseiller Littéraire
« Allégorie du Conseiller Littéraire », huile sur toile, Le Tintoret, Musée du Prado, 1572

Embaucher Naulleau comme conseiller littéraire, …

… Non merci !
Lorsque ce brave Eric Naulleau a été remer­cié, la plu­part des télé­spec­ta­teurs se sont frot­tés les mains. Je trouve, moi, que c’est dom­mage : voilà quelqu’un qui, mine de rien, nous appre­nait à ne pas nous faire rou­ler comme des crottes en librai­rie…
Vous croyez que la cri­tique néga­tive est « méchante » ? Vous trou­vez qu’il est pré­fé­rable d’enrober ses reproches pour qu’ils passent mieux ?
Ayant fré­quenté plus d’une cen­taine d’écrivains, je peux vous le dire fran­che­ment : non. Les écri­vains n’entendent pas ce qu’on leur dit, sauf si on le dit très sim­ple­ment et très fran­che­ment.
Et puis, appre­nez à dis­tin­guer entre « méchan­ceté » et « dureté ». La méchan­ceté ne vous dit rien sur votre texte : elle s’attaque à vous, à votre rêve. La dureté est neutre. Elle vous parle de votre tra­vail, de celui que vous avez fourni, de celui qui manque. Si je vous dis « votre per­son­nage XY est incon­sis­tant », je me fiche de votre image de vous en tant qu’écrivain. Je vous parle de votre tech­nique, de vos gestes. De ce qui est modi­fiable.

Mon travail est fini…

… j’ai juste besoin de quelqu’un pour trou­ver un édi­teur.
Dans ce cas, je n’ai rien à vous appor­ter. Je ne suis pas une simple « com­mu­ni­quant », je ne suis pas un car­net d’adresses sur pattes. Je ne peux pas rédi­ger un dos­sier pour vous, vous envoyer à des édi­teurs, bref, vous défendre, si je ne suis pas sûr, avec vous, de votre texte.
Et je ne peux pas être sûr de votre texte si nous n’avons pas, ensemble, un peu, beau­coup, tra­vaillé dessus.

Mon texte me plaît…

… à moi, c’est l’essentiel. Pas besoin de le retra­vailler.
Alors, vous n’êtes pas fait pour publier. Quand on écrit un texte, quel qu’il soit, roman, nou­velle, essai, on s’adresse à un lec­teur. C’est l’essence même de la com­mu­ni­ca­tion, du lan­gage.
« Plaire » ne veut pas dire « flat­ter ». Personne ne vous demande de faire du cabo­ti­nage, ni envers l’éditeur, ni envers votre lec­teur poten­tiel. Mais vous devez pen­ser à la récep­tion de votre texte, par les uns et les autres. Vous devez y pen­ser pour que votre pro­pos soit effi­cace. Pour que votre idée ne soit pas gâchée par vous-même, par votre repli sur vous.
Publier, c’est aller vers l’autre. L’éditeur veut vous y aider. Le conseiller en écri­ture aussi.

Ça coûte trop cher.

Vous avez vu « The dark knight » ? Le Joker dit au début du film : « If you’re good at some­thing, never do it for free. » « Si vous avez un talent, ne l’exercez pas pour rien. »

Mettons le cynisme de côté (et le fait que ce site vous donne, mal­gré tout, une sacré paquet de conseils gra­tuits), n’empêche, le fond de l’idée est juste : mon tra­vail a de la valeur, tout comme celui du type qui vous répare votre voi­ture ou qui vous pose un plom­bage. Et quand il s’agit de récu­pé­rer une voi­ture qui roule, ou de ne plus avoir mal aux dents, le ser­vice vaut son prix, n’est-ce pas ?
Peut-être que le rai­son­ne­ment est chez vous un peu dif­fé­rent : vous avez décidé de ne rien dépen­ser pour être édité. Mais qu’est-ce qui vous inté­resse le plus ? Être édité, ou être reconnu et savoir ce que vous valez en tant qu’écrivain ? Apprendre le métier, vous amé­lio­rer ? Prendre votre talent en mains ? Dans ce cas, le recours à un conseil payant sera, sans doute, fort bienvenu.

Voilà pour aujourd’hui. J’espère avoir un peu éclairé vos petites lanternes ! ;)


A toi, bouillant inter­naute. Tu as peut-être eu affaire déjà à ces drôles de bêtes ? Raconte !

8 commentaire

  1. Andrea a dit :

    Pour ma part, je ne savais déjà même pas que ce métier exis­tait avant de tom­ber sur ce blog ! Je n’avais pas poussé mes recherches aussi loin pour décou­vrir ce qui entoure le métier d’écrivain… J’avais déjà cerné depuis quelques années l’intérêt des plus com­muns « beta-lec­teurs », dont en fait, si j’ai bien com­pris, le métier de conseiller en écri­ture est une forme plus pous­sée et pro­fes­sion­nelle. Donc ce billet m’incite à pen­ser que c’est un pas­sage obligé si on a un tant soit peu d’ambition dans ce domaine…

    Question : pour le der­nier point, quels sont les tarifs (en moyenne bien sûr, je ne demande pas de somme pré­cise à la vir­gule près) ? Et où les trouve-t-on (à part ici 😉 ), com­ment s’assurer de ses com­pé­tences ? Comment se passe la col­la­bo­ra­tion (les étapes, je veux dire) ?
    (Quitte à se ren­sei­gner, autant aller jusqu’au bout !)

    1. nicolas a dit :

      Tu as assez bien cerné la chose, Andrea : les conseillers en écri­ture sont des « bêta-lec­teurs pro­fes­sion­nels ». Ce que nous appor­tons de plus par rap­port à un bêta-lec­teur béné­vole (et il y en a de très bons) est, d’après moi, le « bon sens » et l’« arrière-plan édi­to­rial ». Un BL, même doué, ne repré­sente que son propre avis ; nous essayons de par­ler pour tout un lec­to­rat ; un BL ne don­nera que l’avis du lec­teur ; nous avons aussi la sen­si­bi­lité de l’éditeur, qui pren­dra sa déci­sion en amont. C’est en tout cas ainsi que je me dif­fé­ren­cie des BL bénévoles…

      Pour mes tarifs, je botte en touche : cela dépend du volume du texte et du degré d’intervention. Celui-ci peut en effet aller de la note de lec­ture (détaillée et « opé­ra­tion­nelle ») à une lec­ture fine, phrase par phrase, du texte. Lorsque nous sommes, l’auteur et moi, d’accord sur le texte, nous pou­vons aller plus loin. Je peux consti­tuer pour lui un dos­sier de sou­mis­sion et un petit lis­ting d’adresses d’éditeurs per­ti­nentes. Si tu veux une idée plus pré­cise, je te pro­pose de m’envoyer ton texte.

      Nous tra­vaillons en géné­ral par échange de mails et allers-retours de fichiers. L’usage des
      cor­rec­tions sui­vies et des commentaires
      per­met d’avancer clai­re­ment et pro­pre­ment. Pour le dos­sier de sou­mis­sion, nous avons au moins un contact oral : je pro­cède à une inter­view de l’auteur. En y allant cal­me­ment, sage­ment, le tra­vail peut s’étaler sur 1 à 2 mois.

      Pour trou­ver des noms, je te sug­gère Internet, mais l’appellation du métier est assez variable. J’ai essayé d’employer toutes celles que je connais­sais, dans l’article.

      Concernant les com­pé­tences, je dirais que le cri­tère prin­ci­pal est le taux de réus­site : com­bien d’auteurs accom­pa­gnés ont été publiés ? En ce qui me concerne, je ne pra­tique « que » depuis un an et demi, je n’ai donc pas de chiffres très signi­fi­ca­tifs ; mais tous les tra­vaux qui ont été menés à leur fin ont pour le moment trouvé un édi­teur. Je compte bien les men­tion­ner ici, au fur et à mesure des paru­tions officielles.

      Un autre cri­tère (tou­jours selon moi) est l’arrière-plan de la per­sonne, ce qu’elle montre de sa com­pé­tence et de son passé. Je ter­mi­ne­rai ainsi sur un extrait de mes­sage que j’ai reçu récem­ment, et qui m’a fait très plai­sir (et après, je vais me rache­ter des pan­toufles, parce que les miennes viennent d’exploser au niveau des chevilles…) :
      « Faire appel à vous en par­ti­cu­lier me fut facile. Après avoir éli­miné d’office quelques pré­ten­dants, je me suis attardé sur les sites de deux autres conseillers (XXX et YYY) qui, en fin de compte, ne m’ont guère incité à les contac­ter. Votre blog, votre pro­fil m’ont convaincu d’emblée. (…) je ne suis pas du tout un adepte des blogs, cepen­dant mes recherches de conseils (Google est – aussi – mon ami !) m’ont à plu­sieurs reprises orienté sur votre blog que j’ai fini par lire en quasi totalité. »

  2. Kanata a dit :

    « Mon tra­vail est fini » et « Mon texte me plaît »… Les pièges clas­siques du nou­veau venu dans l’écriture !!
    Tant que le texte ne plaît pas à d’autres (un lec­to­rat EXTERNE), le tra­vail est loin d’être fini 😉
    En cela, l’avis d’un conseiller lit­té­raire (un vrai, un bon), en vos dix, car il apporte une expé­rience éclai­rée sur un uni­vers bien plus obs­cur qu’il n’y paraît et peut se révé­ler un for­mi­dable rac­cour­cit et gain de temps pour des cor­rec­tions sérieuses vers un pro­jet abouti.

  3. Andrea a dit :

    Merci de ce com­plé­ment d’information. De là à envoyer mon texte… cette fois, c’est moi qui botte en touche ! Je suis loin d’être assez satis­faite de mon tra­vail pour atteindre cette étape. Plus tard, peut-être…
    Et pour les pan­toufles, ça tombe bien, c’est les soldes 🙂

    1. nicolas a dit :

      Quelle élé­gante passe d’armes !
      Je vais faire pro­vi­sion de cha­ren­taises ; ou alors les crocs en caou­tchouc, c’est peut-être plus extensible ?

  4. Jean-Olivier a dit :

    Voilà un moment que j’ai envie de réagir à ce billet, de témoi­gner de ma propre expé­rience en la matière. En effet, depuis quelques semaines, j’ai fran­chi le pas de deman­der conseil. Et de le faire en amont de la rédac­tion du roman (un synop­sis et moins d’un quart du roman rédigé), car mon souci n’est pas l’histoire que je sou­haite racon­ter mais la qua­lité de ma prose.
    Du synop­sis, nous en sommes à peau­fi­ner les ultimes détails – essen­tiels – d’un scé­na­rio appro­fondi, autre­ment plus com­plet et fouillé que le synop­sis ini­tial. Quant à mon souci pri­mor­dial, le « bougre » est avare de qua­li­fi­ca­tif, j’en déduis que mon style doit être en par­tie com­pa­tible avec la notion de lit­té­ra­ture, sinon à quoi ser­vi­rait-il que nous tra­vail­lions sur le scénario ?
    Si tel n’était pas le cas, en bon conseiller, il m’aurait sug­géré d’oublier le domaine lit­té­raire et de me pen­cher sur un pro­blème autre­ment plus cru­cial et fon­da­men­tal pour l’humanité, comme par exemple l’étude des déviances sexuelles des ter­mites du Mozambique.

    Mon témoi­gnage reprend les cha­pitres de ce billet :

    Suivre un conseil. Pour ce qui est de « pres­ser le citron », il s’agit d’un doux euphé­misme, mon conseiller est juste infer­nal. Mais le résul­tat s’annonce plus que satis­fai­sant. J’ai d’ores et déjà une trame beau­coup plus consis­tante, la rédac­tion du roman n’en sera que plus aisée.
    Embaucher Eric Naulleau ou la dure loi de la cri­tique. C’est une affaire de sen­si­bi­lité per­son­nelle, mais je ne trouve pas que mon conseiller est dur. Pointilleux, exi­geant, métho­dique me semblent plus appro­priés que « dur ».
    Mon tra­vail est fini. J’en suis encore loin, je ne peux donc pas m’exprimer sur ce paragraphe.
    Mon texte me plaît. Je me contre­fiche que mon texte me plaise, je veux qu’il plaise aux lec­teurs. Mon plai­sir d’écrire n’en sera que plus intense.
    Ça coûte trop cher. Oui et non. Oui si le but est d’obtenir un avis que l’on range au fond d’un tiroir. Certainement pas si cher si le texte devient publiable. De toute façon, l’échelle des valeurs finan­cières est très variable d’un indi­vidu à l’autre. Je consi­dère que j’investis avec un espoir rai­son­nable d’un retour sur inves­tis­se­ment. Et si mon manus­crit ne trouve pas un édi­teur, je pars au Mozambique !…

    En guise de conclu­sion, que dire ? Que toute acti­vité néces­site d’emmagasiner des connais­sances. L’écriture, aussi. C’est apprendre à écrire pour être lu par des incon­nus. On peut choi­sir d’être auto­di­dacte, on peut aussi choi­sir la voie d’être épaulé par un pro­fes­seur, un moni­teur, un guide, en un mot : un conseiller. Si je choi­sis cette voie, c’est pour m’éviter des écueils, des échecs cou­rus d’avance, des décep­tions quasi cer­taines… et parce que les ter­mites, ça ne me pas­sionne pas vraiment !

    1. nicolas a dit :

      Il y a des ter­mites au Mozambique ???

      Pour ce qui est du style, je pense que le conseiller s’en occu­pera en temps voulu. Il est plus facile de « rat­tra­per » une his­toire qui manque un peu de souffle, de style, qu’une his­toire avec des inco­hé­rences. Un roman, comme une mai­son, se construit… Avant de peindre les murs, il faut les construire… 😉

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