Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • Des pre­miers textes à la recon­nais­sance, le par­cours d’un écrivain
  • Réflexions tech­niques sur l’écriture

Georges-Olivier Châteaureynaud me parle de ses débuts d’écrivain…

« Je vis pour une large part sur un mode ima­gi­naire, c’est pour­quoi la fic­tion m’est natu­relle. J’ai reçu ça en héri­tage ; je fais avec. » Georges-Olivier Châteaureynaud, prix Renaudot 1982, est un rêveur professionnel.

Membre de la « Nouvelle Fiction », une des seules écoles lit­té­raires de France (si on entend par « école » un groupe d’écrivains pas­sion­nés et tur­bu­lents), G‑O. Châteaureynaud creuse le filon d’un fan­tas­tique sans vam­pires, sans loups-garous, mais avec force monstres, phé­no­mènes inquié­tants et grands voyages.

Plutôt Horla que Hobbit, plu­tôt dia­ble­ries que grandes batailles, on lui doit entre autres le rocam­bo­lesque Démon à la cré­celle ou encore Le congrès de fan­to­mo­lo­gie. Cette his­toire impos­sible, kaf­kaïenne, ce récit de fuite, porte pour moi la marque des grands romans ; ceux qui touchent aussi bien le lec­teur « popu­laire » que l’intello de haut vol.

Écrivain, Georges-Olivier Châteaureynaud s’engage aussi pour la pro­fes­sion, puisque il a pré­sidé la Société des Gens de Lettres, et a tra­vaillé le déli­cat dos­sier du droit de prêt en bibliothèque.

Entretien avec un grand auteur, qui sait mener son monde par le bout… de l’âme.

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NK : Pouvez-vous évo­quer, pour nos lec­teurs, votre toute pre­mière publi­ca­tion ? Comment cela s’est-il passé ?

G‑OC : Mes tous pre­miers textes publiés l’ont été dans une revue de poé­sie, Caractères, diri­gée par Bruno Durocher Kaminsky. Je n’ai pas ce numéro de la revue sous la main, mais ce devait être vers 1967. Il s’agissait de poèmes, et je n’ai aucun sou­ve­nir de la façon dont cela s’est passé. Je sup­pose que je les ai envoyés à la revue, tout sim­ple­ment. Quant à mon pre­mier livre, en 1973, c’était un recueil de nou­velles fan­tas­tiques, chez Grasset. J’avais adressé à cette mai­son un pre­mier manus­crit mêlant proses nar­ra­tives et poèmes. Jacques Brenner, qui lisait « les manus­crits de la poste », me demanda autre chose, en clair, un roman. J’ai juste allongé un peu la fou­lée et lui envoyé les trois nou­velles du Fou dans la cha­loupe. J’ai reçu un contrat par retour du cour­rier. A la publi­ca­tion, sur la cou­ver­ture, il y avait mar­qué « Roman », sous pré­texte qu’un fil, ô com­bien ténu, cou­rait d’histoire en histoire.

NK : Vous êtes reconnu comme un grand nou­vel­liste. Quel est le secret d’une « bonne » nouvelle ?

G‑OC : Pour moi, une nou­velle est d’abord une his­toire : ni prose poé­tique, ni res­ti­tu­tion d’états d’âme. Il y faut donc un ou des per­son­nages, une action, un décor aussi sty­lisé soit-il. Les ques­tions d’économie du récit sont évi­dem­ment essen­tielles. A l’auteur de se tenir la bride. Et c’est cette conten­tion, cette réten­tion d’écriture qui peut, dans le meilleur des cas, don­ner au texte une éner­gie concen­trée propre à la nou­velle, qui la dif­fé­ren­cie du roman.

NK : Vous tenez, je crois, des car­nets d’écrivain, qui ont une grande impor­tance dans votre pra­tique. Pouvez-vous nous expli­quer com­ment vous vous en servez ?

G‑OC : Ce n’est pas un car­net, mais un gros registre relié de toile noire, à l’ancienne, et je ne le tiens pas à pro­pre­ment par­ler. J’y grif­fonne de loin en loin de très brèves nota­tions, ou au contraire des argu­ments de nou­velles ou de romans, par­fois un peu déve­lop­pés. Il me sert sur­tout à gar­der en mémoire des choses qui sinon se dis­sou­draient dans l’acidité du temps. J’y reviens quel­que­fois, pour noter en face d’un « pitch », la date à laquelle le texte a été fina­le­ment écrit, et son titre.

NK : D’après vous, quelle est la pire erreur que peut com­mettre un auteur débutant ?

G‑OC : Ce serait peut-être de vou­loir faire, à toute force, l’économie des erreurs. En lit­té­ra­ture pas plus qu’ailleurs on ne naît tout armé, omni­scient. Écrire s’apprend, être (sur le mode si par­ti­cu­lier de l’écriture), se conquiert. On se trompe et on recom­mence, voilà tout.

5 questions à… Georges-Olivier Châteaureynaud, auteur
« La lit­té­ra­ture est pour moi tout à la fois l’accomplissement d’une voca­tion et un métier au sens le plus pro­saïque : gagner sa vie »

NK : À tra­vers la SGDL, vous vous êtes engagé pour la pro­fes­sion. C’est plu­tôt rare chez les écri­vains (même recon­nus), qui sont sou­vent des égoïstes patho­lo­giques. Pourquoi cet engagement ?

G‑OC : Ce n’est pas tant par « géné­ro­sité » que je me suis engagé, au sein de la Société des Gens de Lettres de France notam­ment. La lit­té­ra­ture est pour moi tout à la fois l’accomplissement d’une voca­tion (consi­dé­rer qu’une acti­vité coïn­cide avec votre des­tin) et un métier au sens le plus pro­saïque : gagner sa vie. À par­tir de là, il était natu­rel de recon­naître que les écri­vains ont des inté­rêts moraux et maté­riels com­muns, et qu’il faut les défendre en commun.

NK : Quelques mots sur vos pro­chaines paru­tions, ou vos ouvrages en chantier ?

G‑OC : J’ai publié presque coup sur coup, en l’espace de moins de deux ans, un roman (Le Corps de l’autre, Grasset), un récit auto­bio­gra­phique (La Vie nous regarde pas­ser, chez Grasset éga­le­ment), et un trip­tyque de nou­velles (Résidence der­nière, aux édi­tions des Busclats). Je vais me don­ner main­te­nant le temps de la réflexion et de l’écriture pour une œuvre de plus longue haleine. Comme j’écris des nou­velles au fil des années et que mon der­nier recueil hors trip­tyque date de 2005 (Singe savant tabassé par deux clowns, Grasset), je réuni­rai sans doute d’ici quelque temps celles que j’ai écrites et publiées en revue depuis lors.

NK : Georges-Olivier Châteaureynaud, je vous remer­cie.
Je rap­pelle, pour ceux qui vou­draient vous suivre de plus près, l’adresse de votre uni­vers élec­tro­nique : Eparvay

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