Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • la VRAIE défi­ni­tion d’une rime
  • Comment pré­sen­ter visuel­le­ment un sonnet
  • Quatrain, ter­cet… : abus de langage

Quatre petites colles sur la ver­si­fi­ca­tion fran­çaise, pour faire votre inté­res­sant dans les soi­rées de la duchesse.

Questions de versification

À votre avis…

1. Un seul son répété suf­fit pour pou­voir par­ler de « rime »

2. On doit alter­ner les rimes mas­cu­lines et féminines

3. Un son­net se com­pose de deux strophes de quatre vers puis deux strophes de trois vers

4. Un qua­train est une strophe de quatre vers

1. Faux

Une rime à pro­pre­ment par­ler se com­pose AU MOINS de DEUX sons : un son-consonne et un son-voyelle. Par exemple :

Amis de la science et de la volup-T‑É,

Ils cherchent le silence et l’horreur des tén-È-BRes ;

L’Erèbe les eût pris pour ses cour­siers fun-È-BRes,

S’ils pou­vaient au ser­vage incli­ner leur fier-T‑É.

(Charles Baudelaire, “Les Chats”, in Les fleurs du Mal)

Vous connais­sez peut-être d’ailleurs les rimes léo­nines etc, mais connais­sez-vous les rimes “mil­lion­naires” du regretté Alphonse Allais ?

Ah ! vois au pont du Loing ! De la vogue, en mer, Dante !

Hâve oiseau, pondu loin de la vogue ennuyeuse.

(Certes, l’exemple est mau­vais : l’auteur se per­met une licence poé­tique, pour on ne sait quelle rai­son. Pourtant la rime était évidente.)

Hasta siempre la versification
Extension du domaine de la strophe ?

2. Vrai

On appelle “fémi­nines” les rimes qui se ter­minent sur un “e” muet. Cet “e” muet fait que le der­nier son du vers sera un son-consonne. À l’inverse, une rime mas­cu­line se ter­mine par un son-voyelle.

Les règles de métrique ne connaissent pas d’exception : les paires de rimes mas­cu­lines DOIVENT alter­ner avec les paires de rimes féminines.

Il s’agit là d’une règle d’euphonie évi­dente ; regar­dez ce qui se pro­duit lorsque l’on oublie la règle de l’alternance :

Je me pro­me­nais dans la rue

Quand sou­dain il a disparu

Je n’comprends vrai­ment pas pourquoi

On s’entendait bien lui et moi

(Dorothée, Allô, allô mon­sieur l’ordinateur)

3. Faux

On vous l’a dit, redit et re-répété en le réité­rant avec force rap­pels de répé­ti­tions, un son­net se pré­sente en deux strophes de quatre vers et deux strophes de trois vers. La suc­ces­sion des rimes res­semble cano­ni­que­ment à ceci :

ABBA ABBA CCD EED

Regardez bien l’organisation logique de l’ensemble : vous ne remar­quez rien ? Eh oui, l’arithmétique appré­cie­rait plu­tôt quelque chose comme :

ABBA ABBA CC DEED

C’est-à-dire deux strophes de quatre vers, à rimes embras­sées, une strophe de deux, puis un der­nière strophe de quatre. Je ne sais pas pour vous, mais moi, avec cette façon-là de pré­sen­ter le son­net, je m’y retrouve mieux : deux strophes pour déve­lop­per, une petite strophe pour le point d’orgue, puis une der­nière strophe longue pour finir de faire le tour de l’idée, et conclure.

Eh bien figu­rez-vous que… c’est exac­te­ment ainsi que le son­net est com­posé, pho­né­ti­que­ment, à la Renaissance fran­çaise. Mais les impri­meurs trouvent malin de conser­ver la pré­sen­ta­tion des son­nets médié­vaux (ABAB ABAB CDE CDE). Ils main­tiennent donc arti­fi­ciel­le­ment la pré­sen­ta­tion typo­gra­phique qui n’a plus lieu d’être. Et voilà com­ment on nous apprend encore, au col­lège, qu’un son­net est com­posé de « deux qua­trains, deux tercets ».

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« ABBA ABBA CDC DCD »
… invente Pétrarque au XIVe siècle, ren­dant com­pli­qué ce qui n’en avait guère besoin.

4. Faux

Un qua­train est un POÈME de quatre vers, de même qu’un ter­cet est un POÈME de trois vers, et ainsi de suite.
C’est une impro­priété de par­ler de qua­trains, de dis­tiques etc. pour évo­quer les strophes d’un poème.


Toi aussi, mon lyrique inter­naute, brille aux jeu­dis de la com­tesse, grâce au Petit Traité de ver­si­fi­ca­tion fran­çaise, de Maurice Grammont.

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