Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • La vie d’un édi­teur sur un salon : le montage

Vous êtes ama­teur ou ama­trice de tout ce qui se rap­proche d’un salon du livre ? Vous usez vos semelles sur les moquettes des grands raouts de l’édition, que ce soit à Paris, à Saint-Malo, à Angoulême ou même, si vous êtes sau­cis­so­phile, à Francfort ? Vous connais­sez bien ces évé­ne­ments… en tant que visi­teur ? Peut-être ne savez-vous pas com­ment les choses se pré­sentent pour l’auteur, ou pour l’éditeur ?

Concernant les écri­vains, je vous ren­voie à ce bien inté­res­sant témoi­gnage. Ou à celui-ci. Ah, la séance de signa­tures, ce doux moment qui fait rêver tant d’écrivains…

Concernant les édi­teurs, com­ment vous expli­quer… Voyons, je vais reprendre le jour­nal de bord que je tenais à l’époque, et vous en citer quelques extraits…

Salon du livre lambda, vendredi, 8h00. Seul.

Il fait un froid de hyène.

Quelle idée de nous col­ler une foire aux livres fin novembre ! Et le chef qui n’arrive pas ! C’est tou­jours pareil, moi je suis à l’heure et lui il traî­naille…
Toutes les portes du parc des expo­si­tions sont ouvertes, il y a presque autant de brume dedans que dehors. De temps en temps, un employé muni­ci­pal passe, aux com­mandes d’un Fenwick péta­ra­dant. On se fait cou­cou, je me sens moins bête. Un peu.

9h00. Nappes.

Le boss est arrivé. On peut com­men­cer le mon­tage. D’abord, arran­ger les tables et les chaises… Voilà. Ensuite, les nappes. On a prévu large, cette année. Ça devrait suf­fire. Marre des mau­vaises surprises.

Mais… hor­reur et putré­fac­tion ! Le stand ne cor­res­pond pas au plan qu’on a reçu ! Les tables sont toutes dif­fé­rentes ! Ces mau­dits orga­ni­sa­teurs ont ENCORE fait n’importe quoi ! Et bien sûr, per­sonne de l’équipe en vue dans la halle d’exposition.

Qu’est-ce qu’on va faire avec ces nappes qui sont déjà toutes cou­pées ? Tant pis, il va fal­loir bri­co­ler. Scotch double face, ficelle, on en revient tou­jours au même point…

10h00. Fiat lux.

Les nappes sont posées, ça ne fait pas trop pouilleux. Il faut main­te­nant ins­tal­ler ce foutu éclai­rage. Question : com­ment bran­cher huit lampes de table et quatre pinces spots sur un tableau élec­trique qui com­porte roya­le­ment trois prises ? Avec beau­coup, beau­coup de ral­longes et de triplettes.

Maintenant, il faut camou­fler ce câblage digne de l’atelier du pro­fes­seur Emmett Brown. Comment faire tenir les tri­plettes et les ral­longes dix fois trop longues sous les tables ? Avec du ruban adhé­sif, pardi !

Un rou­leau et demi plus tard, ça tient. Ouf.

10h30. Voilages.

Ah, voilà Raphaël, notre copain stan­diste. Il arrive comme les cara­bi­niers, celui-là ! Enfin, j’espère qu’il sait ce qu’il fait avec les dra­pés artis­tiques qu’il a prévu de nous ins­tal­ler un peu partout…

11h30. Safety first.

Enfin ! Le stand est prêt. Les livres sont ins­tal­lés, avec les affiches, les che­va­lets d’auteur, les machins pro­mo­tion­nels, les pré­sen­toirs, la réserve. Les car­tons sont plan­qués. On a bien galéré mais il a quand même de l’allure, ce stand…

Arrivent les types de la sécu­rité.
« Bonjour.
— Bonjour.
— Alors ça se ter­mine ?
— Eh oui. Pas mal, hein ?
— Et ce tissu, là, il est igni­fugé ?
— Heu, oui, je pense…
— Vous pen­sez ? Vous avez votre attes­ta­tion du fabri­cant ?
— Non, mais… Bon, repas­sez dans une demi-heure, je vous don­ne­rai ça. »

En salon du livre, la meilleure amie de l’exposant ?
En salon du livre, la meilleure amie de l’exposant ?

11h40. Houellebecq.

Mon chef met la main sur le stan­diste qui arrive pépère, mains dans les poches :

« Raphaël, qu’est-ce que tu fous ! On te cherche par­tout !
— Ben je suis allé prendre un café avec l’électricien de Fayard. C’est un copain.
— Raphaël, les gars de la sécu­rité veulent le papier pour les tis­sus. Ils sont bien igni­fu­gés, ces tis­sus, hein ?
— Qu’est-ce que j’en sais, moi ?
— Quoi ! Mais c’est pas pos­sible ? Qu’est-ce qu’on fait alors ?
— Tant pis, on enlève tout.
— On va pas tout enle­ver MAINTENANT ! Et notre stand, il va res­sem­bler à quoi ?
— Cool, mec, relax. Va te bala­der, je m’occupe de tout.
— Mais…
— Allez allez… Va faire un tour à la buvette avec Nico, je crois que j’ai vu Houellebecq qui deman­dait à boire. »

11h50. Flambeur.

Retour au stand. Bien sûr, il n’y avait pas de Houellebecq à la buvette. Notre stan­diste est vau­tré sur une chaise, il lit un de nos bou­quins, les pieds sur la table.

« Alors quoi, Raphaël ? ! Tu devais pas trou­ver une solu­tion ? T’as rien foutu, oui !
— Du calme, chef. Les gars de la sécu­rité sont pas­sés. Je connais bien leur chef : c’est un copain.
— Et alors ?
— Alors ? Je leur ai dit qu’on n’avait pas l’attestation. Que tu avais oublié de me la deman­der.
— Grrr… C’est n’importe quoi !
— T’inquiète pas, il ne se pas­sera rein. Ils on validé le stand. »

Mon patron se gratte le men­ton, impres­sionné mal­gré lui.

« Comment t’as fait ça, Raphaël ?
— J’ai pris mon bri­quet et j’ai essayé d’allumer une nappe. Devant eux. Elle n’a pas flambé. Ils étaient contents, ils sont repar­tis.
— Bon, on peut dire qu’on a de la chance.
— Ah ça oui. S’ils m’avaient demandé d’allumer les voi­lages, ton stand, il aurait brûlé comme une torche.

(la suite au pro­chain épi­sode : samedi ; vous vou­lez sau­ter direc­te­ment au dimanche ? C’est par là)


Et toi, curieux inter­naute ? Raconte-nous toi aussi tes expé­riences des salons…

4 commentaire

  1. Oliv a dit :

    « Ah, la séance de signa­tures, ce doux moment qui fait rêver tant d’écrivains… »

    Voilà jus­te­ment un mys­tère qui n’a jamais été élu­cidé pour moi : pour­quoi diable les salons lit­té­raires, et plus par­ti­cu­liè­re­ment les fameuses séances de dédi­cace, font-ils fan­tas­mer les auteurs ama­teurs ? Passer des heures assis à attendre des lec­teurs qui ne viennent pas, à ten­ter de raco­ler des clients comme un vul­gaire bate­leur, ou encore à voir la queue s’allonger devant le stand d’en face parce que s’y trouve une « célé­brité » de la télé pen­dant que le vrai écri­vain doit se conten­ter de gri­bouiller deux ou trois bana­li­tés à quelques paumés…

    Non, vrai­ment, je ne vois pas ce qu’il y a d’attirant là-dedans.

    1. nicolas a dit :

      C’est effec­ti­ve­ment ainsi que cela se passe en géné­ral (je dis bien en général).

      Cela dit, les auteurs ont un grand pri­vi­lège, dans les salons du livre : ils sont assis.

      Mais n’anticipons pas sur la suite de ma saga…

  2. Greg a dit :

    Sympa le coup d’essayer de mettre le feu à la nappe ! Et dire que je n’ai pas « exposé », par contre j’ai livré pas mal de matos pour des expo­sants : tables, chaises, buvettes et j’en passe ! Les foires d’exposants sont des courses contre la montre, où rien n’arrive jamais à temps, et où tout est pour « hier »… ^^

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