Ce que vous allez apprendre dans cet article :
- La place des jeunes auteurs dans une politique éditoriale
- Comment faire tilt avec son manuscrit
Les éditions Malpertuis ont une voix bien à part dans la SFFF. L’éditeur nous explique ce qu’il recherche, et comment s’y prendre avec lui…
L’équipe de Malpertuis peut être fière : la maison d’édition compte à son palmarès une superbe anthologie sur Lovecraft, “HPL 2007” (par laquelle elle s’est fait connaître dans la sphère fantastique francophone), quelques « inédits » d’Harry Dickson, le Sherlock Holmes américain, les étranges aventures du « Club Diogène » dans le Paris fin-de-siècle…
Comme l’écrivain dont ils se réclament, Jean Ray, les éditeurs de chez Malpertuis n’aiment que les histoires les plus déliquescentes et les plus étranges. Ils publient des ouvrages de qualité, aux couvertures inquiétantes à souhait.
Thomas Bauduret se partage, avec Christophe et Barbara Thill, la conduite du petit navire. Pour le blog d’Écriture (tiret) Livres, il a bien voulu jeter l’encre un moment. [1] Conversation avec un bourlingueur du bizarre.
NK : Peux-tu nous donner une idée du nombre de manuscrits que tu reçois chaque semaine ? Qu’est-ce qui vous agace éventuellement dans ces envois ? [2]
TB : Plusieurs, avec une accélération vers le bouclage de chaque Malpertuis. Ce qui m’agace, c’est ceux qui ne mettent pas leur nom et leur contact sur les textes (je n’ai pas de boule de cristal pour deviner qui en est l’auteur et comment le contacter), ou ceux qui m’envoient un texte “fantastique” commençant par « Le vaisseau spatial Schmorglien s’approchait d’Aldébaran… » Voire, bien sûr, ceux qui semblent persuadés d’en savoir plus que moi sur ce que je dois publier…
NK : Et qu’est-ce qu’un auteur doit faire pour t’emballer à coup sûr ?
TB : Une bonne présentation justement (c’est bête à dire, mais une faute de grammaire et/ou d’orthographe par ligne ne facilite pas la lecture), et suivre le vieux principe de Mickey Spillane, qui disait qu’il fallait prendre le lecteur par les cojones dès la première ligne…
NK : Les éditions Malpertuis sont réputées entre autres pour leur ancrage du côté des classiques (Chambers, Lovecraft). À côté de cela, vous avez de nombreuses antho à votre actif, qui donnent la parole à tout un tas de jeunes inconnus. C’est important, pour toi, de mêler les classiques et les découvertes ?
TB : Tout à fait. C’est même la définition de notre travail. Si on n’est pas là pour publier de jeunes auteurs, comme nous l’avons fait, pour leur mettre un pied dans l’édition, qui le fera ?
NK : Ce qui m’inspire une question bateau : pour toi, qu’est-ce qu’un éditeur ?
TB : Je pense qu’il y aurait une différence entre quelqu’un qui a appris sur le tas, comme moi, et quelqu’un qui a fait une de ces formations aux « métiers de l’édition ». Au-delà… Je présume qu’il y a autant de définitions que d’individus. J’ai lu récemment quelqu’un qui disait que si un éditeur ne faisait pas réécrire 10 % du bouquin, il n’avait pas fait son métier de “professionnel de la profession”. Ce n’est pas vraiment ma position !
NK : Y a‑t-il une collection, un domaine en particulier que vous essayez d’étoffer ? Qu’est-ce que les auteurs qui nous lisent peuvent t’envoyer ?
TB : J’aimerais avoir plus de romans, ça m’énerve de nous voir taxer d’éditeur d’anthologie ou de nouvelles. Cela dit, vu mes retards de lecture, je ferais mieux de me taire pudiquement…
NK : Quelques news, peut-être ? Peux-tu me dire ce que Malpertuis va sortir prochainement ?
TB : Deux recueils sont en cours, un de Jérémi Sauvage et un de Jacques Fuentealba, plus un roman que Brian Stableford a eu la gentillesse de nous confier, traduit par mes soins, et qui devrait être sorti pour 2012. De son côté, Chris a aussi des textes prévus, notamment de jeunes auteurs. Tant pis pour ceux que ça enquiquine, mais il faudra encore compter avec nous !
NK : Merci, Thomas. Pour plus d’infos, rendez-vous sur la page des éditions Malpertuis.
Quoi de neuf depuis cette interview ?
Les éditions Malpertuis continuent leur chemin. Elles ont bénéficié d’un coup de projecteur inattendu, quand la série télé « True Detective » a remis « Le roi en jaune » sur le devant de la scène.
Elles ont aussi la fierté d’avoir découvert des auteurs comme Laurent Mantese, talentueux conteur de l’horreur et des ambiances glauques ; Sylvie Dupin et ses romans fantastiques humanistes ; Pascal Malosse, avec ses contes étranges au parfum de vodka…
L’anthologie annuelle « Malpertuis », qui en est à sa septième édition, a fait place aussi à bien d’autres jeunes talents.
Des auteurs plus confirmés, comme Brice Tarvel (qui a relogé chez Malpertuis sa série jeunesse « Morgane ») apportent aussi leur métier pour compléter le tableau.
Et Malpertuis espère, avec un peu de chance, pouvoir continuer comme ça encore quelque temps…
[1] Certes, elle est facile. Mais j’en ai de pires en réserve.
[2] En réalité, petits veinards, l’interview comporte 6 questions.