Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • Le pay­sage éditorial
  • Spécificités régle­men­taires de l’édition : les retours, la loi Lang
  • Les consé­quences sur votre métier d’écrivain

Toi qui t’in­té­resses aux pro­ces­sus qui per­mettent de publier son livre… Dans la pre­mière par­tie de cet article, nous avons vu ce que n’était pas une mai­son d’édition ; puis nous avons décou­vert quelle est la vie d’un texte, du manus­crit au livre.

Prenons un peu de recul, et regar­dons com­ment les choses s’organisent en France pour for­mer le « paysage ».

Publier son livre : le « paysage éditorial »

Regardons l’ensemble du pay­sage édi­to­rial. Celui-ci change tous les ans, au gré des rachats-fusions, créa­tions et faillites. Le « pla­ni­sphère de l’édition 2013 » ci-des­sous en donne une vision glo­bale (désolé les petits lapins, je n’ai pas trouvé de meilleure ver­sion ni plus récente. Le docu­ment à jour est à pré­sent payant)

Le pla­ni­sphère de l’é­di­tion 2013.

Pour faire simple, le monde de l’édition fran­çais se com­pose de plu­sieurs géants, de groupes impor­tants et d’une pous­sière de petits édi­teurs. D’abord, viennent Editis et son rival Hachette Livre. Ensuite, vous repé­rez Gallimard, France Loisirs, La Martinière etc. Quant aux petites mai­sons, elles sont légion. Suivez ce blog : vous en décou­vri­rez l’une ou l’autre au détour d’un article…

Ce joli pla­ni­sphère signale par ailleurs un fait que l’on ignore le plus sou­vent : l’importance cru­ciale des struc­tures de dif­fu­sion-dis­tri­bu­tion. Les flèches poin­tillées et les sphères bleues montrent où se situe le vrai pou­voir. Car qui peut dif­fu­ser, décide de ce qui est pré­senté en librai­rie. La bataille, chez les petits édi­teurs, pour trou­ver un dif­fu­seur, est rude. La rareté des places est un des fac­teurs les plus graves d’étranglement de la pro­duc­tion édi­to­riale française.

Le système des retours

Si vous vous lan­cez dans l’aventure, appre­nez à connaître le sys­tème fran­çais de l’édition. Il vous évi­tera quelques gaffes.

Une for­mule résume ce sys­tème : « Dans l’édition fran­çaise, le livre appar­tient à l’éditeur tant qu’il n’a pas été acheté par son lec­teur. » Et le libraire, me direz-vous ? Le libraire prend des lots de livres chez lui, selon ses esti­ma­tions de vente. Il les paie à l’éditeur (entre 60 et 90 jours après le livrai­son). Au bout de trois mois après la livrai­son (le « délai de retour »), le libraire ren­voie tous les inven­dus à l’éditeur, et l’éditeur lui rem­bourse ces ouvrages.

Il s’agit d’un sys­tème fra­gile, finan­ciè­re­ment com­plexe, et selon moi, malade. Ou en tout cas, mal taillé pour une éco­no­mie morose.

Publier son livre : le point sur le monde de l’édition 2/2
Publier son livre : le point sur le monde de l’édition 2/2

Pour que la prise de risque de l’éditeur, qui est énorme, ne fasse pas tiquer son comp­table, il publie beau­coup, à inter­valles rap­pro­chés. Ainsi, les avoirs qu’il fait à son libraire, sur les inven­dus, sont mas­qués par de nou­velles fac­tures sur de nou­velles paru­tions. L’éditeur vit à cré­dit chez le libraire, il publie le bon et le moins bon, le libraire croule sous les dettes et les car­tons de nou­veau­tés, le cri­tique ne sait plus où don­ner de la tête, aucun titre ne béné­fi­cie d’une cou­ver­ture média­tique satis­fai­sante… L’édition fran­çaise est en hyper­ten­sion arté­rielle chro­nique. Mais c’est ainsi qu’elle fonc­tionne (pour le moment), et ni vous ni moi n’y pou­vons rien.

Concurrence

L’effet que je viens de décrire, lié au pres­tige inal­té­rable du livre, font que la concur­rence entre édi­teurs est sévère.
Peut-être avez-vous été pris de déprime en fai­sant un tour en librai­rie : les points de vente débordent de livres. L’offre est immense. Pour le roman seul, les chiffres actuels tournent autour de 700 nou­veaux titres à l’automne, et 500 de plus au prin­temps. Chiffres en aug­men­ta­tion tous les ans.

Loi Lang

À cela s’ajoute enfin la « loi Lang », pro­mul­guée en 1981, du temps où Jack Lang était ministre de la Culture. Selon cette loi, c’est l’éditeur qui fixe le prix unique d’un livre. Les dif­fé­rents reven­deurs sont auto­ri­sés à faire des remises codi­fiées à leurs clients, selon leur caté­go­rie (par­ti­cu­liers, ins­ti­tu­tions etc.)

Et vous dans tout ça ?

Quelles consé­quences pour vous ? Les voici.

Le sys­tème des retours fait que l’éditeur retar­dera le plus pos­sible le moment de vous payer vos droits, afin de pou­voir en déduire les inven­dus. Obtenir de lui un à‑valoir sera d’autant plus dif­fi­cile. Votre édi­teur refu­sera en géné­ral de pro­cé­der à un gros tirage. Et si vous pou­vez lui pro­po­ser une vente paral­lèle au cir­cuit de la librai­rie, il sera ravi : voilà autant de livres qui ne ris­que­ront pas de reve­nir au bout des trois mois fatidiques.

La loi Lang fait qu’il vous sera très dif­fi­cile de lui dic­ter un prix pour votre ouvrage : lui-même, entre ses frais, ses remises et le prix des ouvrages sem­blables, a très peu de marge de manœuvre.

La concur­rence entre écri­vains, vous vous en dou­tez, influence direc­te­ment vos chances de trou­ver un édi­teur. Dès la rédac­tion de votre ouvrage, tra­vaillez en pro­fon­deur son ori­gi­na­lité. Un livre sur les vam­pires, quoi que vous en pen­siez, n’est pas ori­gi­nal. Une his­toire d’amour roman­tique n’est pas ori­gi­nale. Si votre livre ne res­semble vrai­ment pas aux autres, il aura plus de chances de sur­vivre en librai­rie, donc de déci­der un éditeur.

Et ne rêvez pas d’entrer chez une grosse mai­son appar­te­nant à un groupe édi­to­rial : leur quo­ti­dien est fait de best-sel­lers et de livres-scan­dales. Est-ce vrai­ment ce que vous vou­lez pour votre « bébé » ?

Enfin, tous ces aspects de l’édition fran­çaise ont un effet glo­bal, dif­fus, que vous res­sen­ti­rez vous aussi avec plus ou moins d’intensité : le stress. L’ensemble des membres de la chaîne du livre subit des pres­sions faramineuses.

En tant qu’auteur, vous avez sans doute une autre vie, un tra­vail dans une autre branche. C’est une chance, dans la chaîne du livre ; appréciez-la !


Vous avez pu avoir, je l’espère, un aperçu du sys­tème de l’édition fran­çaise. Cet aperçu est variable, notam­ment à cause de deux fac­teurs : le rythme assez rapide des ces­sions-rachats dans le sec­teur, et l’arrivée du numé­rique. En effet, la révo­lu­tion tech­nique appor­tée par le numé­rique se dou­blera cer­tai­ne­ment d’une révo­lu­tion de modèle économique.

Les menaces récur­rentes sur la TVA à taux réduit dont béné­fi­cient les édi­teurs impli­que­raient, pour par­ler cos­tard-cra­vate, une impor­tante recom­po­si­tion du paysage.


Et main­te­nant, stu­dieux inter­naute, en avant les cla­viers : tu connais un édi­teur de plus près, tu vou­drais en par­ler ? C’est à toi !

2 commentaire

  1. Oliv a dit :

    « Dès la rédac­tion de votre ouvrage, tra­vaillez en pro­fon­deur son ori­gi­na­lité. Un livre sur les vam­pires, quoi que vous en pen­siez, n’est pas ori­gi­nal. Une his­toire d’amour roman­tique n’est pas ori­gi­nale. Si votre livre ne res­semble vrai­ment pas aux autres, il aura plus de chances de sur­vivre en librai­rie, donc de déci­der un éditeur. »

    Tu es sans doute sin­cère lorsque tu écris ceci, mais dans ce cas com­ment expliques-tu que les étals des libraires soient jus­te­ment rem­plis pour une large part de « livres sur les vam­pires » et « d’histoires d’amour roman­tiques » ? Cela me semble assez contra­dic­toire avec ce que tu pré­co­nises pour maxi­mi­ser ses chances de trou­ver un édi­teur et des lec­teurs. D’ailleurs c’est un conseil que je donne par­fois aux jeunes auteurs naïfs qui n’ont que le mot « ori­gi­na­lité » à la bouche : si vous vou­lez vrai­ment être publiés et connaître un cer­tain suc­cès, écri­vez des his­toires de vam­pires, c’est ce qui marche en ce moment, c’est là qu’est la demande du lec­to­rat et donc, fata­le­ment, celle des édi­teurs. Mon point de vue peut paraître un tan­ti­net cynique, mais je n’arrive pas à voir les choses autre­ment après avoir tant de fois vu mes manus­crits reca­lés avec des com­men­taires tels que « trop décalé », « trop mar­gi­nal », « trop par­ti­cu­lier »… Je suis convaincu que si j’avais uti­lisé mon génie — ne t’inquiète pas, c’est juste pour te faire grin­cer des dents — à écrire des romans vam­pi­riques à la Anne Rice je serais aujourd’hui en tête de gon­dole à la FNAC, et des tas d’adolescentes hys­té­riques me jet­te­raient leurs petites culottes de den­telle noire en hur­lant mon nom. Au pire, je serais sim­ple­ment l’un des 21 628 types ayant publié un roman de vam­pires, ce qui d’un cer­tain côté est tou­jours mieux que de faire par­tie des mil­lions de clam­pins n’ayant rien publié du tout.

    Pour le reste, je note ta petite pique finale au sujet de la chance qu’ont la plu­part des écri­vains de ne pas être tout à fait des « pro­fes­sion­nels de la pro­fes­sion »… Es-tu toi aussi de ces gens réflé­chis qui, à l’encontre du fan­tasme com­mun, consi­dèrent que la pire malé­dic­tion à jeter sur un auteur ama­teur serait : « Puisses-tu un jour vivre de tes écrits ? »

    1. nicolas a dit :

      Je vais te faire une réponse tout aussi cynique et, pour une fois, sub­jec­tive : quand je parle de « publi­ca­tion », je pense avant tout aux textes et aux mai­sons qui sortent un peu de l’ordinaire.

      En tout cas, en tant que conseiller édi­to­rial pour écri­vains, les pro­jets trop « comme les autres » ne m’intéressent pas. Je prêche donc bas­se­ment pour ma chapelle…

      Et puis je par­lais bien de « sur­vivre » en librai­rie. Un livre comme, allez, je prends le pre­mier qui vient,
      celui-ci
      , aura une durée de vie de 6 mois à tout cas­ser. Ce que je ne sou­haite à per­sonne, sur­tout pas à mes auteurs (sans comp­ter que j’ai un petit doute quant à la com­pré­hen­sion du terme « céru­léen », en voyant la cou­ver­ture. Est-ce que quelqu’un se rap­pelle encore que ce mot signi­fie « bleu » ?)

      Quand au pro­fes­sion­na­lisme : dif­fi­cile, on est d’accord, d’écrire bien quand on n’a que ça à faire.

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