Ce que vous allez apprendre dans cet article :

  • A quoi sert un contrat ?
  • Le droit de la créa­tion en France
  • Vous récon­ci­lier avec l’i­dée d’un contrat

Vous ne vou­lez pas signer de contrat d’édition car vous ne vou­lez pas « perdre vos droits ». Mais savez-vous vrai­ment ce qu’est un contrat ? Savez-vous de quels « droits » vous parlez ?

Le « contrat » : définition juridique

Selon les juristes, un contrat est la « ren­contre de deux consen­te­ments ». Il sur­vient pour for­ma­li­ser une offre et son accep­ta­tion.
Un contrat obéit à trois principes :

  1. La liberté contrac­tuelle (la liberté par les deux contrac­tants de rédi­ger le contrat comme ils l’entendent) ;
  2. L’effet rela­tif (seuls les contrac­tants sont obli­gés par le contrat) ;
  3. La force obli­ga­toire (les contrac­tants sont tenus de le respecter).

La plu­part des gens ont une peur innée des contrats. L’idée reçue, en effet, répète que contrac­ter signi­fie se sou­mettre, se lais­ser impo­ser une contrainte. Pourtant, si vous avez bien lu jusque là, et fran­che­ment, cela fait 3 lignes), un contrat ne sert pas à intro­duire un dés­équi­libre, mais au contraire à garan­tir l’équilibre, l’égalité entre les contrac­tants. Il for­ma­lise vos obli­ga­tions, certes, mais il for­ma­lise aussi votre com­pen­sa­tion. C’est l’absence de contrat qui est ris­quée, dans l’édition comme ailleurs.

Le contrat d’édition pour les nuls
Le contrat d’édition pour les nuls (his­toire vécue) :
« Priscilla, vous pen­se­rez à taper le contrat Houellebecq ?
- C’est-à-dire que, heu, mon­sieur Beigbeder, nous avons un petit problème… »

Le contrat d’édition

Lesquels de vos droits sont concer­nés par un contrat d’édition ? Sans entrer dans le détail (voyez un juriste), en voici les grands principes :

  • Le cas des écri­vains relève de la pro­priété lit­té­raire et artis­tique, qui est une sous-caté­go­rie de la pro­priété intel­lec­tuelle. Cette pro­priété lit­té­raire et artis­tique est donc trai­tée dans les textes du Code de la pro­priété intel­lec­tuelle ;
  • La pro­priété lit­té­raire et artis­tique se com­pose prin­ci­pa­le­ment du droit d’auteur, ainsi que des « droits voi­sins du droit d’auteur » (concer­nant les inter­prètes d’une œuvre) ;
  • Le droit d’auteur se divise à son tour en deux aspects : le droit patri­mo­nial et le droit moral. À noter que le « droit d’auteur » est sou­vent appelé « copy­right », ce qui est un abus de lan­gage (le copy­right, équi­valent anglo-saxon du droit d’auteur, est en effet beau­coup moins pro­tec­teur en ce qui concerne le droit moral ; il n’existe pas en droit fran­çais) (répé­tez après moi : le copy­right n’a pas de valeur en droit fran­çais) ;
  • Le droit moral ne peut pas être cédé, quel que soit le contrat de droit patri­mo­nial signé par ailleurs. Il est trans­mis par héri­tage. Il n’expire pas et l’auteur ne peut pas y renon­cer, même s’il le désire. La loi garan­tit à l’auteur les droits suivants : 
    • reven­di­quer la pater­nité de l’œuvre ;
    • mettre ou non l’œuvre en circulation ;
    • s’opposer à toute défor­ma­tion ou muti­la­tion de l’œuvre ;
    • s’opposer à une uti­li­sa­tion par­ti­cu­lière, si elle porte atteinte à sa répu­ta­tion ou à son honneur ;
    • se « repen­tir », c’est-à-dire faire reti­rer son œuvre de la cir­cu­la­tion (en échange d’une com­pen­sa­tion finan­cière pour les par­ties pre­nantes dans cette diffusion).
  • Le droit patri­mo­nial garan­tit à l’auteur de pou­voir reven­di­quer une rému­né­ra­tion pour la mise en cir­cu­la­tion de son œuvre. Ce droit le pro­tège donc juri­di­que­ment du pira­tage. Il est par­fois appelé par les édi­teurs « droit d’exploitation », ce qui marque bien la dif­fé­rence avec le droit moral per­ma­nent de l’auteur. C’est le droit patri­mo­nial, et lui seul, qui est invo­qué dans les contrats d’édition, et c’est en vertu de ce droit qu’une rému­né­ra­tion est ver­sée, par l’éditeur, à l’auteur (rému­né­ra­tion que l’on appelle abu­si­ve­ment et fami­liè­re­ment « les droits d’auteur »).

Dynamitons jubilatoirement le cliché

Résumons les élé­ments impor­tants pour vous, auteur à qui l’on pro­pose un contrat : le contrat d’édition vous per­met de trans­fé­rer léga­le­ment, à un édi­teur, le droit d’exploiter com­mer­cia­le­ment votre œuvre. Ce droit, à moins d’avoir vous-même toutes les cas­quettes, vous serez obligé de le céder à un pro­fes­sion­nel si vous vou­lez trans­for­mer votre manus­crit en un livre dif­fusé en librai­rie. Ce contrat ne vous retire en aucun cas les droits moraux sur votre œuvre : celle-ci reste, d’un point de vue intel­lec­tuel, vôtre, et uni­que­ment vôtre. Si une clause de votre contrat vous prive de votre droit moral, ce contrat n’est ni contrai­gnant, ni abu­sif, mais tout sim­ple­ment non valide.

Vous voyez qu’il ne s’agit donc pas de « perdre » de quel­conques droits. Le contrat vous per­met de trans­mettre vos droits d’ex­ploi­ta­tion en toute séré­nité. Et dans le cas où votre accord avec l’éditeur ne serait plus pos­sible, ce contrat pré­voit tou­jours les condi­tions de sa propre résiliation.

Pour être com­plet, je tiens à ajou­ter que les édi­teurs ne s’embarrassent pas de chi­noi­se­ries. Plusieurs orga­nismes recon­nus, par les édi­teurs comme par les grou­pe­ments d’auteurs, publient des ouvrages de contrats-types (par exemple l’indéboulonnable Le Droit d’auteur et l’édition, du fameux avo­cat des auteurs, Emmanuel Pierrat). Pour évi­ter toute méfiance, la plu­part des édi­teurs vous pro­po­se­ront un de ces contrats-types, recon­nus et vali­dés par l’interprofession.


Et toi, inter­naute, qu’est-ce qui te fait peur dans le monde de l’édition ? Viens nous par­ler un peu de tes petites phobies…

9 commentaire

  1. Mitsu a dit :

    Une petite ques­tion : est-ce nor­mal qu’un contrat d’édition concerne aussi les droits ciné­ma­to­gra­phiques, audio­vi­suels, etc. ? Peut-ont deman­der à l’éditeur de ne pas céder ces droits-là, mais seule­ment ceux néces­saires à la com­mer­cia­li­sa­tion du livre ?
    Merci d’avance 🙂

    1. Voilà une ques­tion très inté­res­sante. Je vais y répondre à par­tir de ce que j’ai vu et des expli­ca­tions qu’on m’a don­nées. Je rap­pelle que je ne suis en aucun cas juriste ; je ne peux pas don­ner de conseils juri­diques à pro­pre­ment parler.

      Quand tu dis « Peut-ont deman­der à l’éditeur de ne pas céder ces droits-là », je sup­pose que tu veux dire « Peut-on deman­der à l’éditeur de conser­ver pour soi ces droits-là » ?

      D’abord, il faut rap­pe­ler que le contrat de l’éditeur vient très sou­vent en deux docu­ments. D’une part, le « contrat d’édition » et de l’autre, le « contrat audio­vi­suel ». Pourquoi ? Parce que dans le cas où le contrat secon­daire (audio­vi­suel) est dénoncé, le prin­ci­pal peut ainsi conti­nuer à s’appliquer…

      Le Graal des édi­teurs, c’est l’adaptation ciné­ma­to­gra­phique (long métrage ou télé). Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure chose qui puisse arri­ver à un livre, mais passons…
      Voilà pour­quoi les édi­teurs n’oublient jamais de se garan­tir cette chance minus­cule de gagner gros ; ils pro­posent sys­té­ma­ti­que­ment le contrat audio­vi­suel à l’auteur. Si vous êtes dans la situa­tion du jeune auteur, pre­mier roman, vous serez mal­venu de refu­ser. C’est, toute ques­tion lit­té­raire mise à part, la seule contre­par­tie inté­res­sante pour l’éditeur.

      Encore une fois, le « contrat audio » ne doit pas être vu comme une arnaque ou une ten­ta­tive d’aliénation. Il per­met à l’éditeur de démar­cher son réseau pour trou­ver des oppor­tu­ni­tés d’adaptation (cer­tains sont plu­tôt doués à ce petit jeu), mais ne vous empêche pas du tout de faire des démarches de votre côté. Il vous oblige, vous et votre mai­son d’édition, à vous tenir mutuel­le­ment au cou­rant, et à ne pas vous enga­ger sans l’accord de l’autre.

      Et bien sûr, à par­ta­ger les recettes, mais un mil­lion­naire à un mil­lion ou un mil­lion­naire à deux mil­lions, c’est tou­jours un mil­lion­naire, n’est-ce pas ?

  2. Caro30 a dit :

    Cet article est vrai­ment très inté­res­sant, comme tous les autres du reste.
    J’avoue que je n’en suis pas là ! lol. Mais c’est tou­jours bon à savoir.

    Alors un grand merci à vous.

  3. Anthony a dit :

    Bonsoir,
    Une autre ques­tion concer­nant les droits d’auteurs dans d’autres pays, quand votre livre est amené à être tra­duit dans d’autre langues, com­ment cela se passe t‑il ?
    Plus sim­ple­ment, à quoi est du la tra­duc­tion de son livre ? bon, oui, au suc­cès de l’ouvrage, je me doute…mais y’a t‑il des démarches par­ti­cu­lières à faire pour être éven­tuel­le­ment traduit ?

    Je vous remercie 🙂

    1. Votre ques­tion en com­porte plu­sieurs. Je ferai un billet sur la tra­duc­tion un de ces jours, mais je peux déjà vous don­ner quelques réponses.

      Quand vous dites « tra­duc­tion », vous par­lez de la vente de droits à l’étranger, je sup­pose ? Car le dif­fi­cile n’est pas de se faire tra­duire, mais bien de pla­cer son texte chez un édi­teur étran­ger. Le choix du tra­duc­teur vient après. L’éditeur peut en pro­po­ser un s’il en connaît, mais le choix final revient à la mai­son étrangère.

      La déci­sion de vendre les droits dépend de sa per­ti­nence, du suc­cès du livre, et des habi­tudes de l’éditeur. Il faut que le livre puisse inté­res­ser le public du pays visé. Par exemple, met­tons, un livre sur les conquis­ta­dors publié au Pérou ? Il faut qu’il ait déjà un cer­tain suc­cès. Et il faut que l’éditeur ait cette démarche active vers l’étranger, dans le bon pays (démar­chage, réseau, habi­tude de Francfort, pra­tique de la langue !!)

      L’auteur peut sug­gé­rer la vente de droits à l’éditeur, mais si celui-ci n’est pas fami­lier avec la ques­tion, ce sera à l’auteur de se débrouiller. Je répète, pas pour trou­ver un tra­duc­teur, mais pour trou­ver un éditeur.

      Enfin, petit rap­pel : la ques­tion de la vente de droits figure dans votre contrat d’édition. Vous êtes donc tenus, vous et votre édi­teur, de vous infor­mer mutuel­le­ment de vos démarches, et de ne pas don­ner votre accord sans en avoir parlé avec l’autre partenaire.

  4. eponyme a dit :

    est ce nor­mal qu’une mai­son d’edition ne retourne pas le contrat contresigné ?
    dans ce cas l’auteur est ’il lié à cette mai­son d’edition ou peut il dénon­cer le contrat par recommndé par exemple ?

    1. Hmm, ques­tion inté­res­sante et particulière…
      Si un jour il est fait réfé­rence à votre contrat, vous pré­ten­drez ne pas l’avoir eu, votre « édi­teur » pré­ten­dra l’avoir envoyé, et tout le monde sera bien avancé…
      Et vous ne pou­vez pas dénon­cer ce qui a priori n’existe pas !

      Si vous vou­lez régu­la­ri­ser les choses, je vous conseille d’envoyer un cour­rier recom­mandé à votre édi­teur, fai­sant état de la non-récep­tion de votre exem­plaire du contrat à cette date, lui deman­dant de vous confir­mer qu’il va vous l’envoyer rapi­de­ment, et pré­ci­sant que sans réponse après telle date, vous consi­dé­re­rez être libé­rée de votre part des engagements…

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